Vrkshasana ou vrikshasana (en réalité il y a davantage de manières de l'écrire car l'alphabet sanskrit a des lettres qui n'existent pas en français) est la posture de l'arbre.

Souvent représentée, avec virabhadrasana (le guerrier) et padmasana (le lotus) comme l'une des postures emblématiques du yoga, elle n'est que peu présentée dans les traités de hatha yoga.

Voyons comment faire la posture de l'arbre, quels sont ses bienfaits et contre-indications, et quelle pourrait être la symbolique de l'arbre en Inde et chez les yogis.

 

Le sens de la posture de l’arbre dans la pratique du yoga

arbre ganesh

L'arbre, il pousse partout, même dans les temples.

Je trouve qu'il est toujours intéressant de se poser la question (même si nous n'aurons jamais de réponse définitive) sur la manière dont naissent les postures de yoga.

Un concept, un animal, un végétal ou un objet donne son nom à une posture.

Ce nom signifiait quelque chose dans un contexte donné (Inde, tel siècle) et nous avons pu oublier ce sens, cette symbolique, ce qui est représenté au-delà de l'objet, les qualités auxquelles on cherche à se relier en entrant dans l'asana.

Le simple fait de se poser cette question éclaire la pratique et contribue à lui donner du sens, bien au-delà du simple aspect physique auquel on limite trop souvent la pratique du yoga.

Symbolique de l’arbre, quelques idées reçues

On parle souvent du mythe de l'arbre de vie, donnant un côté quasi mystique à l'arbre.

La symbolique souvent évoquée est celle du lien entre la Terre et le Ciel. Alors oui c'est vrai l'arbre fait ses racines dans la terre et s'élance vers les cieux.

De tout temps il est probable que cette place toute particulière ait inspiré les sages. Dans certaines traditions chamaniques l'arbre est le symbole du passage entre le haut et le bas, état de conscience ordinaire ou modifié, conscient ou inconscient, etc. Mais je vous propose ici de revenir à l'image de l'arbre en Inde.

L’arbre pour les yogis

Yogi sous un arbre

Yogi sous un arbre

 

Pour les yogis, l'arbre est avant tout un symbole lié aux désirs. On représente dans le chakra du cœur un arbre, kalpavriksha ou kalpataru, qui réalise tous les désirs. Cet arbre, il faut le trouver, mais ce n'est pas le plus difficile.

Une fois qu'on l'a trouvé, seul celui qui a atteint une parfaite maîtrise de sa pensée (donc un yogi accompli !) peut réaliser ses souhaits grâce à l'arbre. Car le kalpavriksha nous amène ce à quoi nous pensons...

Sans maîtrise de la pensée, comment être sûr qu'il nous aide à réaliser nos souhaits ?

Si nous pensons continuellement à nos peurs, nos appréhensions, le pouvoir de l'arbre est destructeur...

 

Il y a cette petite histoire...

C'est un yogi qui se promène dans la forêt et il passe sous un arbre en pensant qu'il aimerait manger. Des plats délicieux apparaissent, il comprend que l'arbre est magique.

Il est fatigué de son voyage et souhaite dormir au pied de l'arbre, il pense à un lit douillet et hop! Le lit apparaît.

En se préparant à dormir, il a une crainte : et si un tigre venait et le dévorait ? ...

Voilà voilà, vous avez compris, on ne fait pas dans le happy end.

Peut-être est-il plus sage de ne pas chercher cet arbre tant qu'un certain niveau de maîtrise mentale et de conscience n'a pas été atteint.

Restons ancrés et terre à terre (comme un arbre, quoi)

L'arbre c'est aussi de façon très pragmatique ce qui assure d'avoir des fruits et des matériaux de construction. Un symbole de fertilité, de générosité, d'abondance. Les arbres les plus susceptible d'être des kalpavriksha (je vous donne le tuyau si vous cherchez un arbre magique) sont les figuiers et les banyans.

arbre bouddha

Cette symbolique de l'arbre est aussi bien connue dans le bouddhisme, ou le Bouddha Shakyamuni aurait atteint l'illumination sous un pipal. Un autre arbre aux vertus magiques, qui aurait le pouvoir de nous faire accéder à la sagesse...

 

 

 

Posture de l’arbre et textes traditionnels

A ma grande surprise, la posture de l'arbre est très peu mentionnée. Je n'ai trouvé de référence que dans la Gheranda Samhita qui décrit de façon succincte vrikshasana :

Se tenir droit sur une jambe (la gauche), en pliant la jambe droite et en plaçant le pied droit sur la racine de la cuisse gauche et en plaçant le pied droit sur la racine de la cuisse gauche comme un arbre sur le sol, est appelée la posture de l'arbre.

Pas de promesse d'immortalité ni de jeunesse éternelle comme on peut le lire pour les postures majeures, je dois dire que je suis un peu déçue !

Les pratiques liées à l’arbre dans le hatha yoga

arbre inde

Nous voyons ici la posture de l'arbre, mais il existe de nombreuses autres pratiques de yoga qui permettent de se relier à l'arbre.

Je n'en cite ici que deux que j'aime particulièrement.

  • La première est vriksha dharana, la concentration sur l'arbre.
  • La seconde est reliée à cet arbre intérieur, celui qui réalise nos souhaits. Il s'agit d'une pratique de yoga nidra sur les désirs qui invite à un voyage intérieur, à une exploration au plus près de nos désirs fondamentaux. Les plus chanceux y trouveront leur arbre !

 

Beaucoup d'autres pratiques de méditation et de visualisation utilisent la symbolique de cet arbre à souhaits même si elle n'est pas au cœur de la technique. Disons que c'est un élément incontournable du paysage yoguique.

Comment faire la posture de l’arbre ?

Ancrage, verticalité et détente sont les qualités à développer dans la posture de l'arbre. Comme dans beaucoup d'asanas, me direz-vous. Oui, mais disons qu'ici si vous ne développez pas ces qualités tout de suite, le résultat est sans appel et l'arbre déraciné risque de s'écraser lamentablement sur le sol 😝

Prendre la posture et se stabiliser

La Gheranda Samhita a déjà tout dit. Merci, au revoir. Ah non pardon, j'avais oublié la pédagogie (c'est quoi ce truc ?).

  • Pour être stable, on part d'une posture debout neutre. Les deux pieds ancrés dans le sol, laissez les orteils se déployer sans chercher à agripper le sol (ne riez pas, beaucoup de gens font ça). Sentez la façon dont le poids se distribue sur la voûte plantaire et pliez légèrement les jambes simplement pour sentir quels sont les meilleurs points d'appui.

 

  • Avant même de vous placer, installez mula bandha (contraction du périnée), la respiraton ujjayin, les bandhas / mudras / visualisations que vous connaissez. ce qui aide vraiment c'est de visualiser notre axe, entre la base de la colonne vertébrale et le sommet du crâne.

 

  • On peut voir cet axe comme une tige parcourant le corps qui doit rester à la verticale. Pour lier la conscience du corps et celle du souffle, visualisez un trajet qui va de la base vers le sommet du crâne quand vous inspirez et le trajet inverse quand vous expirez.

 

  • Immobilisez les yeux sur un point fixe, ça aide énormément. Evitez vraiment de bouger les yeux pendant la pratique.

 

  • Prenez ensuite appui sur un pied, disons le gauche. En veillant à garder du poids à l'intérieur de votre pied, décollez le pied droit et portez la plante du pied où vous pouvez sur la jambe gauche. Si vous pouvez, montez en haut de la cuisse gauche. Si ce n'est pas possible ou pas agréable, vous pouvez descendre le long de la jambe et éventuellement placer la plante du pied droit sur la cheville gauche en gardant les orteils du pied droit au sol. ça permet de tenir la posture dans la durée et de travailler gentiment l'équilibre. Mieux vaut faire cela que se crisper et se raidir pour finalement lâcher au bout de 20 secondes !

 

  • Laissez les bras s'écarter du corps, travaillez la verticalité, l'ancrage, la stabilité du regard, l'intériorité. Et ensuite, on place 3 gestes des mains.

Les mudras (gestes) associés à vrkshasana

Vous n'êtes pas obligés de faire ces 3 mudras à chaque fois, il est possible de les enchainer ou de les travailler indépendamment.

  1. Le premier consiste à écarter un peu les bras du corps en les gardant tendus. Les épaules restent basses. Les paumes de main sont orientées vers l'avant, pouces et index sont joints et les autres doigts sont collés et étirés. Quand vous placez ces mudras, la tension générée par ce geste ne doit pas aller au-delà du poignet.
  2. On place les mains en anjali mudra, c'est à dire jointe à hauteur du cœur. Les mains sont pressées l'une contre l'autre, les avant-bras parallèles au sol, les épaules basses.
  3. Les mains jointes restent bien au centre et montent le plus haut possible. Les bras sont tendus, les épaules vers les oreilles.

vrikshasana anjali mudra

 

Quelques variations courantes dans la posture de l’arbre

Au niveau du placement des bras, je propose fréquemment deux variations (il y en a une infinité...).

Bras en gomukhasana

La première, c'est le placement des mains dans le dos en gomukhasana, posture de la tête de vache. Un coude pointé vers le haut, l'autre vers le bas. Pour les plus souples, les mains se rejoignent dans le dos. Si ce n'est pas le cas, prenez une chaussette, un bout dans chaque main et rapprochez les mains autant que possible !

Posture de l’arbre en mouvement

Ensuite, j'aime beaucoup la posture en mouvement qui remet en jeu à chaque seconde notre fragile équilibre ! Sur les inspirations on passe par les trois gestes dans l'ordre 1, 2, 3 (alors oui, il faut respirer trèèèèès lentement). Une fois en haut le souffle s'arrête. Quand vous devez expirer vous replacez lentement les mains dans le premier geste. Continuez sur une douzaine de souffles.

Demi-lotus

Au niveau des jambes, on peut poser la plante du pied sur la cuisse, mais pour certaine personne cela amène un grand déséquilibre (tout le poids du corps se place alors à l'extérieur du pied d'appui). Pour remédier à cela et également au terrible syndrome du pantalon de yoga qui glisse, il est possible de prendre la posture en demi-lotus. Le seul inconvénient, c'est que cela nécessite une certaine souplesse.

Pranayama

Pour respirer dans la posture de l'arbre, le rythme le plus courant est 4/16/8 4 temps d'inspiration, 16 de pause, 8 d'expiration. Evidemment pour la plupart des pratiquants le temps de pause sera plus court... Les plus joueurs placeront le souffle bhastrika, qui restera léger pour ne pas trop déstabiliser notre pauvre petite arbre qui ne craint pas la bise légère du souffle contrôlé mais qui ne supporterait pas un ouragan.

Les effets de vrkshasana

Les bienfaits de la posture de l’arbre

Vers la détente

Dans certains cours de yoga, la posture de l'arbre est tenue quelques secondes seulement, et tout le monde peut donc la réaliser. Avec quelques imperfections je vous l'accorde, mais il est possible de verrouiller la jambe d'appui, d'être très tendu et de tenir.

A partir de 2 minutes, ce n'est tout simplement plus possible. Elle permet donc de travailler la détente ou plus précisément cet état entre-deux, ce compromis entre vigilance et détente. Il faut faire le moins d'effort possible dans la posture de l'arbre pour pouvoir la garder.

Verticalité

La plupart des postures nous font travailler urdhva retas, que l'on pourrait grossièrement traduire par "verticalité" ou "remontée des énergies". Notre axe, c'est notre colonne vertébrale et en affinant la conscience de cet axe on se place de mieux en mieux dans l'arbre.

Proprioception

arbre yogaLa conscience du placement de notre corps dans l'espace, la finesse de nos perceptions est améliorée avec une pratique régulière de la posture de l'arbre. La proprioception se développe avec le temps, et c'est d'autant pus efficace si l'on reste bien centré sur ses sensations pendant la pratique. Dans la tradition indienne, la posture de l'arbre est en lien avec le chakra du cœur (pour rappel : un chakra n'est pas un truc mystique mais correspond à une ambiance, à des qualités, c'est une représentation de la réalité qui évite de passer par les mots et qui passe davantage par l'intuition et les sens). Le centre du cœur est celui qui est relié au sens du toucher, et cette finesse dans la sensation du contact avec le sol et dans la perception de la place qu'occupe le corps est au cœur de la pratique dans la posture de l'arbre.

Concentration

Sans concentration, impossible de tenir la posture de l'arbre dans la durée. La concentration est un acte mental, mais pas seulement. On peut avec le corps donner les conditions favorables pour aller vers cet état de présence. Les yeux seront fixés sur un point, immobiles. Les bandhas et mudras bien tenus en permanence aident énormément.

Bref, l’arbre, c’est bien

En conclusion, je dirais que réussir ou pas la posture de l'arbre, peu importe. Mais lorsque vous constatez des progrès, c'est que vous avez gagné en concentration, en détente, que vous avez travaillé votre proprioception ou que vous avez amélioré votre posture.

Contrindications et limites

Il y a peu de contrindications à la posture de l'arbre.

Bien évidemment si vous venez tout juste de vous faire opérer du pied ou du genou, il faudra éviter, enfin c'est du bon sens.

Les personnes ayant des troubles cardiaques ou faisant de l'hypertension éviteront la version statique où les bras restent étirés vers le haut.

Pour conclure

arbre yoga

Sans une touche de bêtise, le monde serait triste... Voici une photo de mes archives personnelles prise à Varanasi !

Si vous voulez lire un autre point de vue vraiment intéressant sur la posture de l'arbre, voici un article d'une collègue de ma formation de yoga qui a écrit sur le sujet. Je trouve le texte vraiment intéressant et cela vous donne une autre sensibilité, une autre manière d'exprimer ce qu'est l'arbre.

 

Cet article est dédié à Dominique qui déteste par-dessus tout cette posture. Je la propose malgré tout régulièrement, non pas pas pur sadisme mais parce qu'elle permet vraiment de développer toutes les qualités évoquées plus haut et qu'une fois apprivoisée, on y trouve une vraie saveur. C'est comme les épinards, ça prend du temps et il faut que ce soit bien cuisiné. 😋