Je vous propose de passer en revue 5 questions fréquentes que l’on me pose sur le terme d’asana dans une pratique de yoga.

Un mot que l’on traduit hâtivement par posture sans prendre le temps de voir tout ce que cela implique.

Commençons par parler vocabulaire et grammaire ! Ben non, ne partez pas, j’en ai pour une minute.

Si vous préférez écouter cet article au lieu de le lire, une version audio est disponible ici et sur toutes les plateformes de podcast.

 

Asana, est-ce un mot masculin ou féminin ?

On me dit parfois que je fais une faute en utilisant asana comme un nom masculin, et c’est vrai. Moi j’ai envie de dire aux personnes qui mettent asana au féminin que c’est faux, et c’est vrai. Le terme asana en sanskrit est neutre, donc comment traduire cela ?

Comme en français posture est féminin, on a tendance à utiliser le féminin pour le sanskrit également. Je ne sais pas pourquoi j’utilise le masculin, certains y verront une horrible soumission au diktat patriarcal (ne riez pas, je ne l’invente pas celle-là !).

Bref, vous faites comme vous voulez, je pense que l’asana est au-delà de ces notions très limitées de masculin et de féminin.

Autre truc étrange, je ne mets pas de s à asana, même au pluriel. Ce n’est pas par ignorance des règles d’accords, rassurez-vous. Nous touchons ici à l’épineuse question de l’accord des mots étrangers en français. La règle dit (je lis le site de l’académie française, ils ont l’air de s’y connaître un peu en orthographe)

« La graphie des mots empruntés, ainsi que des néologismes formés en français, sera autant que possible adaptée à l’alphabet et à la graphie du français. »

Je suppose que cette règle s’applique à tous les mots qui sont entrés dans le dictionnaire.
J’ai toujours entendu dire par les yogi (là encore, vous noterez que je ne mets pas de s pour les mêmes raisons, même si c’est plus discutable sur yogi que sur asana) qu’il convenait de ne pas accorder les mots qui n’étaient pas dans le dictionnaire, c’est d’ailleurs ce que certaines personnes travaillant en maison d’édition m’ont confirmé.

De mon côté, je conserve en général pour les mots sanskrits qui ne sont pas passés dans le langage courant la forme sanskrite. Je n’utilise pas les signes diacritiques parce que les polices de base ne le permettent pas (ou alors ça prend un temps fou avec de possibles problèmes d’affichage à la clé).

yogi asanaAsana, est-ce seulement la posture ?

Quand on parle d’asana, les yogi ont tôt fait de vous sortir les Yoga Sutra de Patanjali pour en proposer une définition.

« Sthira sukham asana ». 2.46

Ont traduit souvent cet aphorisme par « une posture stable et confortable ».

As se traduit par s’asseoir, être présent ou exister. On pressent donc que le terme d’asana peut faire référence au corps, mais pas seulement. Asana, c’est peut-être une attitude plus qu’une posture, qui implique certes le corps mais également le mental qui est lui aussi fermement établi dans l’instant.

On note que le terme de posture en français aussi a un double sens, tout comme le mot position. On peut prendre une posture physique ou adopter une posture dans le sens d’une attitude mentale.

On voit que les mots sont limitants : d’une langue à l’autre ils ne signifient pas exactement les mêmes choses, les doubles sens ne sont pas toujours les mêmes, nous nous parlons une langue qui puisent ses sources dans le sanskrit donc ça va encore mais pour un inuit ou un japonais je pense que la traduction avec toutes les richesses, les nuances du sanskrit sera plus difficile. Et ensuite d’un individu à l’autre, et d’une société à l’autre le sens sera compris différemment. Pour nous posture fait avant tout référence au physique, mais qui nous dit que dans une société moins tournée vers le corps il en serait de même ?

Combien y a-t-il d’asana ?Dharma Lyon

Chaque texte a son compte, et d’une école de yoga à l’autre l’inventaire va changer.

Dans l’un des anciens numéros de la revue Infos Yoga, Léo le chat, sage parmi les sages, a affirmé qu’il n’existe qu'une seule posture, mais qu'elle bouge tout le temps.

Cette dernière réflexion, évidemment, est un brin provocatrice, mais c’est peut-être vraiment celle qui est la plus juste.

Si asana ne concerne pas seulement le corps, et si personne n’est d’accord sur le nombre et la codification des postures ou attitudes en question, peut-être serait-il plus juste de dire que chaque configuration du corps est asana.

Avec tout ça vous restez peut-être sur votre faim parce que je n’ai pas répondu à votre question. Donc, dans la plupart des écoles de yoga on en garde 84 et on a toujours quelques variantes, on peut donc arriver vers 120-150 postures.

En pratique, dans les cours, on en utilise moins, je dirai quarante à 50 postures sont fréquemment proposées.

yogini asanaQuels sont les principaux asana ?

Vous l’aurez compris, il n’y a jamais de réponse simple. Donc là encore, tout dépend de qui répond.

Si vous pouvez voyager dans le temps et demander à Patanjali, il vous dirait peut-être qu’il n’y a qu’une posture (assise).

Ensuite chaque école va définir quels sont ses asana fétiches qui seront proposées aux pratiquants au sein de cette école. On parle de postures majeures.

Comment définit-on une posture majeure ?

Une définition intéressante serait la suivante : une pratique qui sera réalisée tout au long de la vie du yogi, dans laquelle il pourra travailler souffles et concentrations quel que soit son niveau. Souvent les postures majeures sont celles qui peuvent être prises par tout le monde, même de façon imparfaite, et qui seront ensuite perfectionnée au fil des années. Ce sont souvent des postures stables, qui peuvent être tenues dans la durée. Je mets quand même un petit bémol à cela en mentionnant par exemple mayurasana, posture du paon, qui est souvent considérée comme une posture majeure et qui est inconfortable au bout de quelques secondes pour la plupart des gens.

Bref, je ne peux pas répondre à cela. En pratique, c’est surtout une exploration personnelle. Le yoga va vous proposer suivant les courants et écoles des postures différentes, et ensuite il faudra les pratiquer un temps suffisant pour faire connaissance avec elles. Ensuite, quand vous les connaîtrez intimement, vous choisirez avec lesquelles vous avez le plus d’affinités à un moment donné, avec lesquelles vous souhaitez travailler dans la durée.

C’est un peu comme une relation amoureuse, oui oui, tout est question d’alchimie entre l’asana et vous.

C’est ça la beauté et la difficulté de la pratique : il n’y a pas de réponses universelles : tout dépend de vous, du point où vous en êtes, de votre chemin personnel.

Jusqu’à un certain niveau de pratique vous pouvez suivre des cours collectifs, suivre les conseils généraux et vous laisser guider pour aiguiser votre sensibilité et votre connaissance de vous-même en même temps que votre compréhension du yoga. Mais passé un certain stade, vous ne pourrez pas faire l’économie de cette recherche personnelle, et donc de ce tâtonnement, de cette incertitude. C’est pour cela que bon nombre de yogi disent qu’un maître est indispensable à un moment donné.

asanaLes asana les plus difficile sont-ils les plus efficaces ?

Alors là j’avoue qu’il faudrait définir comment mesurer l’efficacité dans une pratique de yoga. Donc même si je ne suis pas très sûre de comprendre la question je vais essayer d’y répondre.

Quand on parle des asana les plus difficiles on pense souvent aux trucs un peu extravagants, en appui sur les mains ou sur la tête, qui nécessitent une force et une souplesse incroyables.

Je crois que les asana les plus "efficaces", par efficace je suppose que l’on entend "qui amènent un effet très net chez le pratiquant", sont rarement les plus impressionnants.

Si vous faites une posture impressionnante physiquement, vous ne pourrez pas la tenir longtemps, donc vous allez peut-être vous muscler et avoir l’air super doué devant les copains, mais l’intérêt est quand même très limité. Donc une posture efficace on la garde 30 minutes, on est bien dedans et on est libre de porter l’attention sur le souffle, on est installé assez confortablement pour avoir la capacité à voir ses pensées sans avoir à subir les assauts incessants du mental qui va hurler "mais arrête de faire ça, ça fait trop mal, vivement que ça s’arrête…"

Les postures dites difficiles qui ont un véritable intérêt sont selon moi limitées. On trouve le lotus, padmasana, qui n’a franchement rien d’acrobatique mais qui est assez difficile à réaliser dans la durée.

L’intérêt de padmasana c’est que lorsqu’on est à l’aise dans cette posture, le dos est droit, le corps est bien placé, bien vertical, et on peut faire n’importe quel pranayama ou concentration sans s’avachir et sans être trop raide, on y trouve assez naturellement ce délicat compromis entre tonicité et détente.

abonnement 2 ans infos yogaAutre posture qui fait rêver quand on débute mais qui franchement n’est pas difficile, c’est shirshasana, la posture sur la tête. Les yogi aiment bien se retourner la tête et les postures inversées, celle-ci en tête, sont citées dans les textes traditionnels comme des remèdes miracles à tous les maux.

Alors bien sûr tout cela est à relativiser, peut-être ne serez-vous pas immortels après avoir passé une minute et demi en chandelle, mais même si on sait bien que les textes exagèrent, il doit bien y avoir un fond de vérité et un certain intérêt à réaliser ces postures. Donc je les classe dans les postures importantes, efficaces et en apparence difficiles à réaliser.

Je n’ai pas trouvé d’étude sur le sujet, donc je ne peux pas faire le lien entre les textes du yoga et une réalité scientifique, si vous avez des sources sérieuses vous pouvez me les ajouter en commentaires.

J’en cite une petite dernière à laquelle j’ai déjà fait allusion, c’est mayurasana, la posture du paon. Je pense que celle-ci est réellement l’une des plus difficiles et aussi l’une des plus importantes dans une pratique personnelle. Elle nécessite un travail physique, mental et une endurance hors du commun.

Cette short list est vraiment subjective, elle vient de ce que j’ai pu lire et expérimenter en yoga, elle est nécessairement personnelle car je ne pratique qu’en tant que moi-même, peut-être qu’une autre personne ayant pratiqué exactement les mêmes choses au même moment aurait fait une liste totalement différente.

J’espère que ce petit point sur l’asana vous aura appris quelques éléments sur ce qu’est ou ce que n’est pas un ou une asana ! N’hésitez pas à enrichir la réflexion que je partage dans l’espace dédié aux commentaires 😉