Bharadvajasana est une posture de torsion, assez simple d’accès, du moins si on l’adapte.

Comme toutes les postures de torsion, il s’agit avant tout d’une posture de verticalité et elle travaille la" zone du cœur", autrement dit elle vient titiller les blocages cachés entre le creux de la poitrine et le milieu du dos.

C’est une posture liée à la connaissance de soi, à l’intelligence de l’intuition qui devient accessible dès que l’on se libère de tout ce qui nous encombre inutilement : le blabla mental, le jugement constant, les grands bons de notre singe agité qui ne cesse de courir dans toutes les directions.

Bharadvajasana est une invitation à revenir en soi, à libérer l’espace physique et mental et à créer dans l’ouverture un petit creux que l’on ne s’appliquera pas à remplir à tout prix.

Le sage Bharadvaja

bharadvajaBharadvaja et les enseignements du yoga

Bharadvaja est l’un des sept grands sages (Maharishi) qui reçurent l’enseignement des Veda.

Les Veda sont censés être un corpus de textes issus d’une révélation, cette connaissance ayant été révélée aux sages qui l’ont ensuite transmise au commun des mortels. On distingue souvent dans la tradition yoguique les textes révélés que l’on appelle shruti, littéralement « ce qui est entendu » et ceux de la smriti « ce qui vient de la mémoire », "simples" textes consignant les connaissances retranscrites par des humains "ordinaires".

Les textes révélés sont souvent privilégiés comme étant plus purs, plus authentiques…

Une autre interprétation pourrait être que la connaissance issue des révélations serait plus intuitive. En ce sens, elle ne serait donc pas un enseignement dédié à une élite, aux sages élus qui la distillent ensuite selon leur bon vouloir, mais une connaissance qui serait accessible à tout chercheur, à partir du moment où la réceptivité, la sensibilité est suffisante pour savoir écouter.

Dans ce sens, la smriti serait donc un effort de mémoire, une capacité assurée par notre mental discursif, tandis que la shruti serait entendue avec les oreilles du cœur. Notez que cette interprétation possible n'est qu’une piste, une réflexion, et ce n’est pas la vision des textes la plus répandue !

bharadvajasana

Sita à l'ermitage de Bharadvaja. Inde, 1810

Bharadvaja et l’ayurvéda

Le nom du sage Bharadvaja est mentionné dans divers textes, mais j’ai envie de citer particulièrement la Caraka samitha, l’un des principaux textes sanskrits dédiés à l’ayurveda « science de la vie » que l’on assimile à la médecine traditionnelle indienne.

« Bharadvaja – son ardeur ascétique est terrible – était à la recherche de la longévité ; prenant Indra comme refuge, il approche respectueusement ce Seigneur des Immortels. »

Se faisant porte parole des rishi, Bahardvaja était en quête de cette connaissance non pas pour lui seul mais pour les Hommes qui au fil des yuga (ères, cycles cosmiques) perdaient peu à peu leur santé, la douleur et la maladie les rendant incapables de pratiquer le yoga.

Au passage, notons que la santé et la longévité ne sont pas recherchées égoïstement, pour prolonger une existence au cours de laquelle il ne se passerait pas grand-chose, autrement dit une vie de consommation. Cette longévité a un intérêt tout particulier pour le chercheur spirituel qui recherche la connaissance à travers la pratique du yoga, l’étude des textes et l’application du dharma. Cette rigueur étant compromise par une mauvaise santé, les rishi s’accordent pour solliciter l’aide d’Indra.

« A ce grand voyant dont il avait observé l’étendue de l’esprit, le bienheureux Indra – il a accompli 100 sacrifices ! – enseigna en peu de mots l’ayurveda, la « Science de la longue vie ». Il consiste en un triple formulaire traitant de la connaissance des causes, des signes et des remèdes des maladies et de la santé ».

Porteur de cette connaissance, Bharadvaja la transmit aux sages. L’un des sages la transmit à ses disciples, qui à leur tour transmirent l’ayurveda aux Hommes.

Bharadvajasana, posture du sage

Comment faire bharadvajasana ?

La posture de Bharadvaja est une torsion assise.

Comme toutes les torsions assises, elle nécessite au préalable une excellente verticalité. On s’installera donc en vajrasana, posture du diamant, c’est-à-dire assis sur les talons en gardant le dos très droit.

Disons que nous nous décalons ensuite sur la fesse droite.

Les deux fesses restent en contact avec le sol ou un autre support (un coussin sous la fesse gauche peut être une aide précieuse). Il est possible d’écarter les genoux pour trouver un meilleur appui.

L’épaule droite s’ouvrira et la main gauche attrapera le bras gauche (au niveau du coude si possible, mais par l’intérieur du bras).

La main gauche ira vers le genou droit.

Le regard est porté vers l’arrière, comme si le menton voulait aller vers l’épaule droite.

La verticalité avant tout !

La posture est complètement adaptable suivant votre souplesse (pas besoin de vous déboiter une épaule pour aller chercher le genou, si vous ne touchez que la cuisse du bout des doigts ça fonctionne aussi).

Le seul point critique, c’est le maintien de la verticalité. Il faut à tout prix préserver la verticalité de l’axe entre la base de la colonne et le sommet du crâne, cette ligne imaginaire doit rester constamment perpendiculaire au sol.

Les qualités que l’on développe avec bharadvajasana

rishi inde

Un rishi portant la marque de Vishnu sur son front et sur son corps. Gouache, artiste indien, 19ème siècle.

Bharadvaja est un érudit, il a une véritable soif de connaissance. Cette aspiration à la connaissance est une volonté de compréhension profonde de soi et du monde. Il n’est pas question uniquement de connaissance livresque mais de connaissance profonde, la soif du chercheur qui rêve de percer le mystère de la vie elle-même.

Notons au passage que (presque) toutes les postures portant des noms de sages (matsyendrasana, bharadvajasana, mariciasana, vasisthasana, gorakshasana…) sont des postures d’ouverture qui travaillent en particulier la zone du cœur.

Par zone du cœur j’entends non pas le cœur en tant qu’organe mais a région au centre de la poitrine. Les sages de nombreuses traditions ont localisé à cet endroit, si tant est que l’on puisse le localiser, le siège de l’âme, du Soi.

C’est en tout cas une zone qui se bloque facilement et dans laquelle se cristallisent de nombreuses tensions physiques. Tensions dues certes aux mauvaises postures que nous prenons dans nos vies quotidiennes, mais également liées au stress et aux diverses tensions mentales.

Les postures portant des noms des sages, comme c’est le cas pour bharadvajasana, libèrent cette zone, un côté après l’autre (il s’agit aussi toujours de postures latéralisées).

Peut-être serez-vous plus sage ou plus éveillé après avoir pratiqué bharadvajasana… Ce qui est à peu près sûr, c’est que vous vous serez allégé de quelques tensions !

 

Les textes entre guillemets sont des citations tirées du sublime ouvrage Le savoir de la vie, florilège de l’ayurvéda, paru aux éditions les Belles Lettres. Elles proviennent de la Caraka samhita traduite par Michel Angot.