viparita karani mudra

Viparita Karani Mudra, image extraite d'une version illustrée de la Jogapradipika

Lorsque l’on s’imagine un yogi accompli, on a parfois cette image du type barbu et à moitié nu qui passe ses journées sur la tête.

Pour pratiquer le yoga, pas besoin de vous mettre à poil ni de vous laisser pousser les poils mais il est indispensable de vous retourner la tête.

Voyons dans cet article on ne peut plus sérieux (sisi je vous assure) pourquoi les postures inversées, regroupées sous l’appellation viparita karani mudra, sont si importantes dans la pratique du yoga.

Aujourd’hui rebaptisées headstand ou handstand, les postures inversées font l’objet de cours, d’ateliers, voire de formations ou de stages complets. Si le côté marketing et acrobatique (au détriment de l’attention, de l’intériorité) peut rebuter, notons cet engouement pour se mettre à l'envers n’a rien d’une mode : les postures inversées ont depuis l’apparition du yoga "postural" occupé une place importante dans la pratique.

 

 

 

 

Pourquoi les yogis réalisent-ils les postures inversées ?

Pour leurs effets prodigieux ! Voici une petite sélection croustillante provenant des textes que j’utilise pour réaliser cette série des 84 postures.

Je précise que j’utilise ces documents-là déjà parce qu’ils sont accessibles en anglais et en français, ensuite parce qu’il s’agit de traités de yoga regroupant assez de postures pour donner du grain à moudre. Enfin, parce qu’ils sont connus, et le propos est justement de mettre sur la table les textes qui servent de référence à bon nombre d’ouvrages et d’enseignants aujourd’hui. Voilà voilà, mais on aurait pu faire une autre sélection.

Hatha Yoga Pradipika

Commençons par la Hatha Yoga Pradipika, qui mentionne viparita karani mudra comme l’un des "dix mudrâ qui détruisent vieillesse et mort." Pas mal, non ?

Hatha Ratnavali

Le Hatha Ratnavali en fait une sorte de panacée pour soulager « tous les problèmes » et de remède beauté miracle.

Viparita karani, parce que je le vaux bien.

Selon ce texte, viparita karani mudra « Stimule le feu gastrique, soulage tous les troubles, fait disparaître les cheveux gris et les rides ».

Il est précisé un peu plus loin :

« La technique qui met le nombril en haut et le palais en bas, c'est-à-dire le soleil en haut et la lune en bas, s'appelle viparitakarani, qui peut être apprise auprès d'un maître. Une pratique quotidienne de viparitakarani soulage toutes les maladies et stimule le feu gastrique. Viparitakarani a été enseignée par Srinivasa, cette technique peut être adoptée par une personne en bonne santé sans même si elle ne suit pas les préceptes yoguiques. »

C’est donc une pratique « tout public », qui n’est pas réservée aux initiés.

Gheranda Samhita

La Gheranda Samhita propose une vision plus symbolique de ce geste :

«  Le soleil réside à la racine du nombril et la lune à la racine du palais; le processus par lequel le soleil est amené vers le haut et la lune vers le bas est appelé Viparitakarani, c'est un Mudra secret dans tous les Tantras. Placez la tête sur le sol, les mains écartées, levez les jambes, et restez ainsi stable. Ceci est appelé Viparitakarani. »

On se centre ici sur l’idée d’inverser. C'est vraiment cette notion qui est importante. Cette posture inversée semble être kapalasana, posture sur le crâne.

Ce qui est en haut est en bas, et certaines écoles vont vraiment creuser cette approche en en faisant l’un des fondements mêmes de leurs doctrines en y voyant une invitation à voir l’essence de chaque chose dans son contraire, à s’amuser à inverser les points de vue, à changer d’angle de vue lorsque l’on se retrouve bloqué dans une situation…

En un mot, bousculer les repères et ce qui semble immuable pour donner une nouvelle perspective. Essayez, le simple fait de voir le monde à l’envers change déjà les idées ! (Je ne plaisante pas !).

Bienfaits physiques de viparita karani mudra

Pour les personnes ne présentant pas de contre-indication, les principaux effets bénéfiques se trouvent au niveau de la circulation sanguine et lymphatique, qui sont stimulées par cette posture peu habituelle.

On notera également un effet au niveau du diaphragme. La gravité est inversée, tout va monter ! Enfin, façon de parler.

En position « normale », tête en haut et pieds au sol, le diaphragme est bas lorsque nous inspirons (d’où cette sensation du ventre qui se gonfle). Pour certaines personnes, l’expiration prolongée est difficile à cause de cela.

En passant sur la tête, c’est l’inverse, l’expiration peut être beaucoup plus longue. Et c’est justement cette expiration prolongée qui donne au corps un signal pour l’autoriser à relâcher : la détente devient possible.

Lorsque l’on cherche à se détendre, on favorise l’expiration. En posture inversée, vous aurez donc plus de facilité à expirer longuement et donc à trouver un certain apaisement (une fois la posture apprivoisée, bien sûr !).

Origine de viparita karani mudra

Le yoga tel qu’il est pratiqué actuellement est souvent bien plus acrobatique que ce qui était appelé yoga il y a 2000 ans. Cependant, les postures inversées ou viparita karani mudra, ce qui signifie littéralement le geste inversé, a toujours été une pratique importante.

Je ne parle pas ici du yoga tel que l’a transmis Patanjali dans ses Yoga Sutra, mais des formes plus physiques de hatha yoga qui utilisaient les asana pour modifier les processus physiques, énergétiques et mentaux.

Définition d’une posture inversée

Viparita karani mudra

Le terme de viparita karani mudra est flou dans le sens où il correspond à une posture et aussi à un ensemble de postures : toutes celles où l’on est inversé (comme nous l’avons dit juste avant, si le nombril est au-dessus de la tête).

Voici donc à quoi ressemble viparita karani mudra. On note la ressemblance avec sarvangasana, posture sur les épaules, et la subtile différence : les jambes ne sont pas à la verticale, elles partent un peu plus en arrière. Un petit détail qui fait une sacrée différence si vous cherchez à tenir ces postures dans la durée. Et en bonus, quelques inversions que nous verrons plus tard !

 

Autres postures inversées

Si l’on suit la définition des postures inversées donnée par les textes, c’est l’inversion dans le placement du ventre par rapport au palais qui nous indique si la posture est une inversion.

Par conséquent, le chien tête en bas est une inversion, même si nous ne sommes pas sur la tête.

On inclue donc dans les postures inversées padahastasana (posture des mains aux pieds) ou encore prasarita padottanasana (étirement intense les pieds écartés).

Comment pratiquer les postures inversées ?

kapalasanaContre-indications et précautions

On entend beaucoup les discours alarmistes au sujet des postures inversées en yoga. Je pense qu’il faut faire preuve de bon sens. Nous avons tendance à penser que toutes les alertes doivent être données par une autorité externe et nous sommes nombreux à ignorer le ressenti pour s’en remettre au savoir de quelqu’un d’autre. Si vous avez des douleurs cervicales ou un lumbago, vous n’aurez pas envie de pratiquer viparita karani mudra, et dans ce cas écoutez-vous !

En cas de :

  • Fragilité aux cervicales
  • Problèmes lombaires récurrents
  • Hypertension et en particulier s’il y a un risque de glaucome
  • Problèmes cardiaques

Mieux vaut éviter la pratique de viparita karani mudra, ou au moins prendre un avis médical.

Dans tous les cas, notez qu’il est préférable lorsque l’on débute ou que l’on pratique seul de ne pas faire d’arrêts de souffle dans les postures inversées.

Posture inversée et menstruation

Ensuite parlons d’un sujet hautement polémique : les règles.

Certaines écoles de yoga recommandent de ne pratiquer aucune inversion durant la période des règles.

C’est devenu une blague : un jour, j’ai eu à mon cours une dame qui me dit ne pas vouloir faire de posture inversée car elle est indisposée. Très bien, je lui donne une pratique alternative. Elle m’a aussi dit ne pas vouloir réaliser de torsions, ni de souffles mobilisant le ventre comme bhastrika, ni évidemment de postures demandant un petit effort musculaire, ni de postures où le ventre touche le sol, ni de flexion latérale…

Bon, je peux complètement concevoir un cours sans posture aussi, là n’est pas le problème, mais s’agissant d’un cours collectif c’est délicat.

Lorsque je lui ai demandé si elle souhaitait s’arrêter, prendre un médicament, mettre une bouillotte… Elle m’a répondu que non, elle n’avait aucune douleur, ne sentait aucune gêne, mais simplement par principe elle ne réalisait pas ces postures.

Chacun fait comme il veut, mais je pense que s’écouter est parfois une bonne idée pour savoir ce qui nous convient ou pas.

Progresser dans les postures inversées

posture inversée yogaLes meilleurs conseils des sages yogis (ou pas)

Les viparita karani mudra sont des postures relativement stables.

Il est donc recommandé d’y rester au moins un gathika (24 minutes, oui oui) pour en ressentir les effets.

Je pense que beaucoup de personnes n’étant pas habituées à pratiquer en ressentiront effectivement beaucoup d’effets au bout de 24 minutes, comme une soudure permanente des cervicales !

Les yogi d’antan étaient quand même pleins de bon sens, ils recommandaient d’y aller progressivement et de s’entraîner quotidiennement en allongeant de quelques secondes chaque jour le temps de pratique.

Si vous partez de 5 secondes, disons, il est vrai que si vous n’ajoutez qu’une seconde par jour, au bout d’un an vous resterez 370 secondes soit 6 minutes et 10 secondes !

Ce que viparita karani mudra va changer dans votre vie

Alors, est-ce utile de s’exercer aux postures inversées ?

Je vous donne juste un truc perso qui m’a marquée dans ma pratique.

Mes enseignants disent que s’il n’y avait que 3 pratiques à conserver, ce serait uddiyana bandha (l’envolée vers le haut), nadi shodana (respiration alternée) et… Une posture inversée, donc n’importe quelle forme de viparita karani mudra, avec quand même une petite préférence pour shirshasana, posture sur la tête.

Une autre bonne raison est, de façon vraiment pragmatique, la liste d'effets bénéfiques, physiologiques, liée à la posture inversée.

Meilleur retour veineux, meilleure circulation lymphatique, meilleure irrigation du cerveau...

Avec à la clef des bénéfices concrets comme une réduction de la fatigue et une amélioration de la clarté mentale.

Le fait de s'installer la tête en bas est aussi, je trouve, une formidable manière de court-circuiter le mental.

Lorsque le blabla intérieur devient trop présent, quelques minutes en posture inversée permettent de lâcher, de « débrancher ».

Quand nous étions enfants, nous nous amusions beaucoup de voir le monde dans l’autre sens.

Pourquoi perdre cette joie, cet émerveillement ? Pourquoi ne pas saisir cette façon simple de voir (littéralement !) la vie autrement ?

Après, ce n’est pas parce que grand maître machin a dit quelque chose que c’est valable pour tout le monde, ou qu’il faut le croire sur parole. Personnellement, je suis assez convaincue des bienfaits des postures inversée, et cette conviction vient de l'expérience avant tout.

Et vous, intégrez-vous les inversions dans vos cours ou dans votre pratique personnelle ?