Comme souvent en Inde, il est difficile de retracer avec exactitude et précision la vie des auteurs qui ont contribué à porter à notre connaissance les textes et la culture yoguique ou indienne.

Revenons dans cet article sur la vie de Basavanna, poète de l’Inde médiévale peu connu (en France) et qui a pourtant laissé de sublimes textes qui mériteraient d’être mis en avant.

Parfaite illustration de l’importance du beau dans le spirituel, de la forme au service du sens, ses chants à Shiva

vacana

Basavanna, un auteur controversé

Beaucoup d’écrits concernant Basavanna ont été produits par ses détracteurs. Connu pour être engagé politiquement et pour avoir été ministre, il avait inévitablement de nombreux opposants. D’un autre côté, ceux de son camp le couvrent de louanges… Difficile de se faire une idée objective.

Né à Manigavalli en 1106, il meurt en 1167 ou 1168. Ayant perdu ses parents très jeune, il a été recueilli par sa grand-mère puis par des parents adoptifs auprès de qui il apprend les subtilités de la langue sanskrite.

Basavanna a toujours été un dévot de Shiva et à 16 ans il décide de lui dédier pleinement son existence. Opposé au ritualisme strict et aux castes, il rejette les cérémonies et rituels qu’il a pu suivre auparavant et que tout bon hindouiste se devait d’’exécuter. Il quitte sa maison pour Kappadisangama, où l’on peut observer la confluence de trois rivières.

Kudalasangamadeva, le seigneur des eaux mêlées (des rivières qui se rencontrent) devient sa divinité d’élection. C’est un « détail » très important car dans toute son œuvre, dans tous ses chants dédiés à Shiva, il mentionne le seigneur des eaux mêlées à qui il offre ses poèmes. C’est dans cette ville qu’il trouve un maître auprès de qui il pourra suivre des enseignements.

Il finit par revenir à la vie mondaine (la légende dit qu’il le fit à la demande de Shiva lui-même, qu’il vit en rêve), se marier, intégrer la cour du roi Bijjala dont il devint ministre. Le contexte était vraiment difficile dans la ville de Kalyana où un vente de révolte contre le roi, les castes et les privilèges commençait à souffler.

Malgré sa vie politique mouvementée, Basavanna ne cessa jamais d’adorer Shiva.

Il quitta Kalyana et finit sa vie à Kappadisangama.

Les vacanas

chants à shiva

La classification des textes indiens est compliquée et les frontières d'une classe de textes à une autre sont souvent poreuses. Il existe déjà deux grands types de textes, ceux qui émanent des dieux eux-mêmes et ceux qui viennent des hommes.

Shruti et smriti

(Ne m’en veuillez pas, je n’ai pas les caractères spéciaux adaptés pour retranscrire fidèlement les lettres sanskrites, je fais donc en phonétique).

Les textes de la shruti sont ceux qui ont été reçus, du verbe shru, entendre. Ceux de la smriti viennent de smr, se souvenir.

L’œuvre de Basavanna ne s’inscrit pas dans ces deux grands types de textes. Ce sont des vacana, du verbe vac, dire. Les vacanas proposent un style plus spontané, sans prétention, qui est l’expression de la beauté et du divin à travers la plume du poète.

On ne peut pas dire pour autant que les vacanas ne répondent à aucune règle. Il s’agit de textes travaillés, esthétiques, répondant à certains critères au niveau de la forme. Les vacanas sont des textes qui doivent être dits, il y a donc une forme toute particulière qui se prête bien à l’oral. La symétrie et les répétitions servent à rythmer le texte.

Le poète Basavanna

L’œuvre de Basavanna est loin des traités techniques du yoga comme on peut fréquemment lire.

Aucune indication n’est donnée au pratiquant. C’est un partage de l’amour pour Shiva, l’expression de la dévotion à travers la beauté des mots et l’énergie du rythme. Un texte qui se lit ou s’écoute dans un état mental proche de la méditation. Il faut rester centré sans saisie, une présence intense mais sans tension, le juste équilibre entre concentration et ouverture. C’est la symbolique d’ajna que l’on retrouve ici, la possibilité d’appréhender le monde à la fois avec la raison et l’intuition, avec l’intellect et le cœur.

Où lire les chants à Shiva de Basavanna ?

Si vous maîtrisez l'anglais, l'excellent livre "Speaking of Shiva" d'A. K. Ramanujan. Le texte a été traduit du Kannada à l'anglais et il est très bien commenté.

Si vous préférez le français, patience ! Je vous proposerai quelques traductions des chants à Shiva dans les prochains numéros du magazine Infos Yoga.