Je lis de plus en plus de torchons, euhhhh, pardon, d’articles, sur les dérives sectaires et le yoga, ou plus généralement sur les professions liées au bien-être qui ne sont pas reconnues par le corps médical. Je suis sensible à la liberté, dans un sens comme dans l’autre. Je condamne clairement tous les cinglés qui asservissent leurs élèves, profitent de la faiblesse des gens et offrent un système de prêt-à-penser au lieu d’aider chacun à s’émanciper, à faire ses propres choix. Mais avec ce matraquage médiatique, tout me monde est mis dans le même panier. Alors oui je vais répondre aux scribouilleurs qui surfent sur la vague de la peur et du sensationnalisme en menant des interviews à charge, en conduisant de pseudos enquêtes dont la conclusion est déjà écrite, qui de surcroît ne connaissent rien au sujet qu’ils traitent. Mais c’est le journalisme actuel, il paraît. Il suffit de voir entre quelles mains sont nos médias pour comprendre que la grande patronne qui dicte tous ces papelards est Mme rentabilité.

Le yoga est-il une secte ?

yoga secteJe demande à mon pote Robert ce qu’est une secte. Non que je sois ignare, mais on m’a appris en maths comme en philo à définir les termes avant de résoudre le problème posé, je m’applique donc à rester une bonne élève 16 ans après avoir passé mon bac (ouhhhh aurais-je été influencée par la terrible secte de l’éducation nationale qui serait rentrée insidieusement dans mon esprit pour modifier ma capacité à raisonner ?).

Robert me dit qu’une secte, c’est un groupe d’inspiration religieuse ou mystique vivant en communauté sous l’influence de maîtres, de gourous.

Ou

Un groupe organisé de personnes qui ont une même doctrine au sein d’une religion.

Bon, ok, le yoga est peut-être une secte. Même si les yogis ne sont pas nécessairement religieux, peut-être que l’appellation de « mystique » pourrait les inclure. Quand je demande à copain Larousse qui va un peu plus loin en qualifiant de secte un « ensemble de personnes professant une même doctrine », je me dis que je fais peut-être partie d'une secte, oui.

 

Ces personnes très instruites ayant fréquenté de prestigieuses écoles de journalisme auront l’intelligence de noter que les écoles de yoga sont fréquemment appelées des sectes et qu’elles sont sous la direction d’un gourou mais qu’aucun de ces termes n’est, à l’origine, péjoratif. On pourrait tout aussi bien dire qu’il y a une salle de classe qui regroupe des élèves autour d’un enseignant qui parle de géographie.

Dérives sectaires dans le monde du yoga

Le problème évoqué, c’est l’emprise que ces sectes auraient sur les individus. Alors là je suis complètement d’accord, s’il y a un grand méchant gourou qui manipule ses pauvres élèves pour leur extorquer de l’argent ou des faveurs sexuelles, c’est répréhensible. Et si le grand gourou est super intelligent et obtient tout ça sans demander, en faisant croire aux adeptes que ce don se fait de leur propre chef et que le but (caché) final est l’accroissement de l’influence, de la richesse ou du pouvoir, c’est un vrai problème. C’est à partir de ce moment là où l’on parle de dérives sectaires.

Ces dérives sont pointées du doigt dans le monde du yoga pour une autre raison : certaines personnes se tournent vers la pratique du yoga car elles sont en quête de sens. Si le grand gourou apporte du sens, il est présumé coupable. Mais il y a des façons très saines de donner du sens. Tant que cela ne se fait pas encore une fois pour combler un besoin de reconnaissance personnel, de pouvoir, de richesse d'un chef… Si tout part d’une bonne intention et qu’il s’agit d’une saine transmission de connaissance, je ne vois pas où est le problème. Ah, si, les gens apprennent à penser et il se peut que cela n’aille pas dans le sens de l’abrutissement général…

dérive sectaire yoga

Ils sont fous ces gens, mais pourquoi diable font-ils cela ? Vite, prévenons la Miviludes !

Dérives sectaires et pensée dominante

On a tôt fait de condamner ce que l’on ne connaît pas. Il n’y a qu’à regarder les résultats du Front National pour en être convaincu (chacun vote pour qui il veut, je ne tacle même pas le FN, c'est un constat). Tout ce qui est différent nous sort de notre gentille zone de confort et est vu comme un danger potentiel. C’est humain, c’est logique, ce sont nos réflexes qui parlent.

Notons deux choses à ce sujet :

  • Nous sommes tous abrutis (oui, moi aussi)

La plupart des gens sont épuisés, surmenés, stressés. Si vous êtes dans cet état, vous allez à l’économie de pensées. Vous êtes plus à même de consommer toute forte de junk food, qu’elle soit alimentaire ou intellectuelle. Et puis si la pensée est déjà prédigérée c’est bien, ça évite tout effort et on peut se donner l’air intelligent.

Comment penser correctement lorsque l’on est pris dans cette torpeur du quotidien ? Nous sommes effectivement la proie de deux grands fléaux : les sectes et les médias. Les premières se méfient généralement et essaient de se faire ingénieuses et discrètes. Elles ne sont pas si répandues que cela mais lorsque l’on en débusque une, cela fait beaucoup de bruit. Les médias en revanche sont diffusés largement et reprennent les sujets les uns des autres, si bien qu’il suffit d’une parution sur un sujet pour que l’on retrouve 15 autres articles sur ce même sujet. Cela nous donne ensuite l’impression qu’il y a un consensus sur ledit sujet, puisque tout le monde le dit ! Je ne peux qu’inviter les initiateurs de ces mouvements à prendre conscience de la responsabilité qu’ils portent. Mais ils ne seront jamais inquiétés, car ils sont porteurs de la « bonne parole », dans le sens de parole « politiquement correcte ».

  • Nous considérons ce qui est connu comme acceptable

Que cela soit agréable ou pas, que nous en soyons satisfaits ou pas, ce qui est connu est privilégié, par facilité. Les plus téméraires vont peut-être essayer un nouveau plat au restaurant ou acheter un pull vert pomme pour changer du noir, mais cela va rarement plus loin.

Nous avons une culture, une religion (ou pas de religion), un bain culturel dans lequel nous sommes depuis notre naissance que nous e voulions ou non et l’eau est bien croupie, mais peu de personnes sont prêtes à ôter le bouchon pour changer l’eau, parce que cette eau sera nouvelle. Et puis on sait que ce l’on perd mais jamais ce que l’on gagne. Tout ça pour dire que nous avons tendance à rejeter ce qui est un peu différent de ce qu’avance la pensée dominante, soyons simplement conscients de ce biais.

dérives sectaires yogaPourquoi parle-t-on de dérives sectaires dans le yoga ?

Il y a évidemment des cas où il faut agir vite, notamment si l’intégrité physique de la personne est en danger. (S’il y a des petits malins qui veulent me répondre que je mets leur intégrité physique en danger en leur faisant faire 4 salutations au soleil, je leur suggère tout simplement de réduire la clope).

Il y a plusieurs points délicats dans le domaine du yoga qui peuvent éveiller le doute chez les personnes qui traquent les sectes.

Voici les grands points qui sont fréquemment avancés :

Les pratiquants changent de comportement

Quand une discipline aussi complète que le yoga entre dans notre vie, il est possible que nous changions nos comportements. Certains deviennent végétariens par exemple. Doit-on s’alarmer ou donner à la personne le temps de faire ses expériences, éventuellement en parler avec elle ?

Si les comportements sont extrêmes, c’est évidemment le signe d’un problème. Problème qui veut venir des instructions transmises, ou de la manière dont elles ont été interprétées. Les enseignants ne sont pas responsables de la folie de leurs élèves. Si j’énonce un fait incontestable comme « la respiration oxyde les cellules » et qu’un élève en conclut que pour sauver sa peau il faut arrêter de respirer, je ne me considère pas comme responsable des fâcheuses conséquences de cette incompréhension.

Ils assistent à des stages payants

Ah oui ça j’aime bien, dès qu’on demande de l’argent pour participer à une activité c’est suspicieux. Sachez que tous les profs de yoga ne sont pas tous adeptes du pranisme, par conséquent, ils ont un corps dont il faut s’occuper en lui donnant un toît et de la nourriture. Après, chaque personne est seule juge ensuite de la pertinence des montants demandés !

Le yoga devient un pilier dans leur vie

C’est quelque chose que l’on entend souvent. Le yoga prend de l’espace, la personne ne parle plus que de ça, ne peut plus commencer une journée sans une heure de pratique et saoule tout le monde avec Patanjali, d’ailleurs on ne sait même pas qui c’est celui-là !

Bon là ça me fait rire parce que j’ai eu un peu cette phase. C’est comme un enfant qui a un nouveau jouet, il joue beaucoup avec. Et puis l’attrait de la nouveauté s’estompe et il joue avec tous ces autres jouets. Ou si votre enfance est loin, pensez à une relation amoureuse : au début, cela vire à l’obsession, et rien d’autre n’a d’importance que la personne qu’on aime. Et ensuite on retrouve notre capacité à nous ouvrir et notre intérêt pour le monde.

dérives sectaires yoga

Dangereux individus s'essayant à la lévitation sur les conseils de leur gourou

Ils se détournent de leurs anciens amis

...Et se rapprochent dans le même temps de leur groupe de yoga. Je pense que c’est humain et que cela se produit dans toute discipline qui nous passionne. Lorsque je pratiquais les arts martiaux, je retrouvais le weekend mes sympathiques partenaires pour qu’on se tape dessus en toute amitié. Je suis fan de danse, et mon cercle social est en grande partie composé de danseurs. Je joue de la musique, et c’est plus sympa à plusieurs, donc j’ai plus d’appétence pour rencontrer des musiciens. Et alors ? Je ne fréquente plus les personnes avec qui je partageais un verre il y a dix ans parce que ces relations étaient pour moi moins enrichissantes. Est-ce condamnable ?

 

Comment éviter de tomber dans une secte ?

Vous arrivez à un cours de yoga, tout vous semble bien, les gens sont sympas, bon ok ils respirent bizarrement mais à part ça tout paraît normal. Le prof est normal aussi, en apparence, mais que cache son sourire ? Comment savoir si vous tombez dans une secte qui va s’en prendre à vous, à votre argent, à vos relations, à votre vie ?

Mon expérience personnelle des dérives sectaires dans le yoga

Allez, je vous raconte ma vie, parce que c’est rigolo. Revenons à la Genèse de Dharma, site créé il y a fort, fort longtemps. A l’époque nous étions deux à gérer le site, un ami yogi, dont je respecte l'anonymat, et moi-même. Dans notre folie, et dans notre ennui aussi peut-être, nous avions un passe-temps pour le moins original. Tester tous les trucs bizarres se rapprochant de près ou de loin au yoga. Non par conviction, même pas pour la quête spirituelle, mais mus par une profonde curiosité de ce qui pouvait exister. Donc des trucs bizarres, nous en avons vus. Et je pense honnêtement que les personnes qui géraient tous types d’organisations étaient rarement mal intentionnées. Il pouvait y avoir de l’ego, de la folie, du prosélytisme, et tout cela ce n’est certes pas génial, mais :

  • Ça se voyait comme le nez au milieu de la figure
  • Comme il y a rarement de mauvaise intention, la personne ne cache donc pas ce comportement « bizarre » ou « déviant », il faut donc partir, tout simplement
  • La plupart sont simplement gentiment allumés
  • Les cinglés représentent 1% des professionnels sérieux grand maximum, comme dans toutes les professions je pense
  • Quand les gens se renferment sur leur groupe (c’est le principal problème que nous avons rencontré, des groupes très fermés) c’est parce que le monde paraît très hostile, non par envie de couper les nouveaux venus du monde, chacun reste complètement libre de gérer son rapport au monde

Même en essayant très fort, en nous jetant volontairement dans la gueule du loup un bon paquet de fois, nous n’avons jamais trouvé une super secte qui nous donnait envie de la rejoindre et de nous couper du monde. Vous allez me dire que c’est parce que nous sommes des personnes censées. Ben oui. Merci 😊 Donc la principale chose que nous pouvons faire, c’est non pas de condamner tous les professionnels évoluant dans le monde du yoga ou plus largement du bien-être ou de la spiritualité, mais de développer notre sens critique (et aussi notre intuition, c’est un bon filtre !) et d’être capable de réévaluer chaque jour notre relation à un groupe, une idéologie, un courant de pensée, une croyance…

Règles de survie pour ne pas vous faire dévorer par un gourou affamé

  • Faites confiance à votre intuition : si vous trouvez que c’est bizarre sans savoir pourquoi, si vous avez l’impression que quelque chose cloche, que vous vous sentez mal à l’aise… ça ne veut pas dire qu’il s’agit d’une secte mais que vous n’êtes pas dans un environnement qui vous correspond, il n’est pas nécessaire de vous faire violence et de rester.
  • Si vous vous sentez émotionnellement, allez accompagné(e) aux événements que vous jugez « à risque » concernant cet épineux sujet des dérives sectaires.
  • Lisez sur le sujet avant : si vous rejoignez un cours de yoga, Googlisez (oui je sais ça ne se dit pas) l’enseignant, prenez le temps de lire ce qu’il écrit sur son site, faites un essai avant de vous engager.
  • Posez-vous une questions cruciale : l’enseignant vous encourage-t-il à penser par vous-même, à questionner et expérimenter ou assoit-il un dogme ? Question subsidiaire : l’armée est-elle une secte ?

 

Pour conclure, je trouve ces condamnations assez infantilisantes, comme s’il fallait s’en remettre à une autorité extérieure qui serait seule compétente pour nous dire ce qui est bon pour nous. Certains diront que les propos que je tiens sont ceux qui peuvent être tenus par des sectes, un appel au bon sens de chacun dans le but machiavélique de profiter ensuite de la crédulité des plus faibles. J’invite ces personnes à relire cet article dans lequel le fil conducteur reste celui de la liberté, une invitation à apprendre à penser par soi-même, prendre conscience de nos biais et de nos réflexes pour savoir agir intelligemment au lieu de réagir. Une invitation à s’émanciper de toutes les pseudo-autorités qui veulent convaincre et non informer et qui font pour cela plus appel à notre affect qu’à notre capacité de raisonnement.

 

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