J’ai toujours eu beaucoup de chance et / ou un corps extrêmement coopératif, je ne me suis jamais blessée en faisant du yoga.

En 15 ans de pratique, pas une blessure, pas une douleur qui puisse être imputée à la pratique.

En parlant avec d’autres enseignants et élèves je me rends compte que c’est plutôt rare de n’avoir connu aucun désagrément physique, en particulier au cours des premières années de pratique.

Dans cet article un peu particulier, car il traitera essentiellement de la dimension physique du yoga, je vous présente mon approche de la pratique des asana et quelques astuces pour ne pas vous blesser.

Cet article s'inscrit dans le cadre d'un évènement entre blogueurs, destiné aux enseignants de yoga sur le thème "Blessures et douleurs en yoga". L'objectif est d'échanger les expériences autour de cette discipline qui semble souvent douce et inoffensive et qui peut tout de même être source de blessures. L'organisatrice de cet événement est Muriel, kiné, ostéopathe et formatrice en anatomie orientée pour les enseignants de yoga. Sur son site, elle évoque régulièrement les erreurs fréquentes et les conseils de placement pour les pratiquants de yoga.

se blesser en faisant du yoga

Peut-on se blesser en pratiquant le yoga ?

Tout dépend de ce que l’on entend par yoga !

Je me déteste moi-même à citer les yoga sutra, parce que je râle beaucoup sur l’omniprésence de ce texte alors qu’il y en a beaucoup d’autres qui sont moins mis en avant et tout aussi valables, mais bref, ça parle à tout le monde comme ça !

Patanjali y décrit la posture comme devant être stable et confortable. Donc normalement, le pratiquant de yoga ne se blesse pas.

posture yoga

Ce que l’on oublie de dire, c’est que pour Patanjali, les postures se limitent aux assises ou à quelques postures majeures qui sont assez simples à réaliser. Il ne parle pas de choses incroyablement acrobatiques comme un scorpion, un corbeau ou autres « handstands » (il ne parlait pas anglais ou détestait les anglicismes, c’est pour ça).

Tout cela pour dire que le yoga, à la base, est une pratique liée à l’intériorité, une recherche d’immobilité profonde et de connaissance. Il n’est pas question de s’agiter et de se contorsionner. Il est donc difficile de se blesser en pratiquant de cette manière.

 

Une pratique centrée sur l’asana

Fait intéressant que j’ai déjà mentionné, plus les traités de hatha yoga sont récents, plus ils mentionnent de postures.

Entre les Yoga sutra et le Hatha ratnavali, nous avons gagné près de 80 postures !

Pourquoi cette multiplication des asana au fil des siècles ?

yoga sans se blesserIl n’y a pas de réponse « officielle », mais les pratiques évoluent au fil du temps suivant les besoins. Les corps n’étaient peut-être pas totalement prêts à passer d’emblée des heures en posture du lotus pour partir en quête de cette fameuse immobilité, la multiplication des asana permet de remobiliser, assouplir, tonifier, ressentir un corps qui nous est parfois étranger.

Aujourd’hui, chacun invente ses postures.

Je me suis longtemps insurgée contre cette dérive impure (c’est le maaal) et je pense maintenant que ce n’est que la prolongation de ce phénomène d’évolution, avec une rapidité croissante, reflet de la complexité du lien que nous entretenons avec nos corps.

Tantôt adulés, tantôt détestés, ces corps desquels nous sommes souvent coupés doivent retrouver une place avant de pouvoir espérer s’engager dans une quête plus intérieure. Avec cette multiplicité de postures, dont certaines sont franchement acrobatiques, le risque de se blesser apparaît.

Comment ne pas se blesser en faisant du yoga ?

Voici 8 points clef qui selon moi peuvent permettre d’éviter la plupart des blessures lors de la pratique du yoga.

Si d’autres idées et suggestions vous viennent, n’hésitez pas à me les signaler dans les commentaires, je les ajouterai ensuite à cet article.

blessure yoga

  • 1) Développer son attention

Je ne parle pas ici de perfection dans la posture, ni d’alignement « bien comme il faut ».

Je parle de conscience de son corps, de ses limites.

La pratique du yoga suppose une prise de posture en conscience, assez lente pour pouvoir ressentir chaque mouvement, ce qui permet de s’installer consciemment dans l’asana.

L'attention doit être développée à tout prix chez les personnes hyperlaxes qui n'ont pas conscience des limites qu'il faudrait fixer au corps. Voici un article détaillant les points sur lesquels les hyperlaxes devraient rester particulièrement vigilants.

 

  • 2) Travailler la proprioception

Ce qui fait défaut à beaucoup de pratiquants, c’est la conscience du corps.

Un petit exercice simple : je demande parfois de prendre natarajasana, la posture du danseur, sans chercher à se dépasser.

Il n’y a pas de difficulté puisque chacun la prend comme il peut, mais rares sont les pratiquants quand je leur demande qui peuvent me dire comment ils sont placés !

Certains pensent avoir les bras sur une ligne horizontale alors que le bras arrière est très haut, d’autres pensent être droits en étant complètement penchés vers l’avant… Bref, vous avez l’idée.

La conscience du placement de notre propre corps nous fait défaut.

Pour remédier à cela, la pratique est la seule voie ! On peut également au quotidien s’appliquer à bouger, à accomplir des mouvements simples consciemment. Note : pratiquer devant un miroir peut aider à avoir quelques repères, si ce n’est pas systématique…

 

  • 3) Accepter ses limites et l’aspect progressif du yoga

 

yoga asana

Le fait de classer le yoga dans les sports (soyons clairs tout de suite, ce n’en est pas un, mais beaucoup de personnes l’assimilent encore à un sport) peut mettre dans un état d’esprit « sportif » impliquant dépassement de soi et compétition.

Il s’agit de ressentir, de créer une ouverture aux sensations, une présence particulière…

Quand on pratique un sport, il est parfois difficile de progresser lentement, d’accepter ses limites.

Comme avec le yoga on ne recherche rien de plus que la conscience, la présence, il n’est pas possible de « rater » quoi que ce soit.

 

 

 

  • 4) Prendre plaisir à habiter son corps pour ne pas se blesser en faisant du yoga

Le corps se rappelle souvent à nous pour de mauvaises raisons.

Nous restons perchés dans les hauteurs du mental sans ressentir pleinement ce que nous vivons avec nos sens.

Pour cela, le « remède » est simple : il consiste à sortir de nos automatismes et à ressentir consciemment tout ce qui se passe d’agréable dans le corps.

Le goût d’un plat délicieux, la sensation de bien être après un effort physique, la joie d’un rayon de soleil sur la peau, une vraie présence à chacun de nos pas lors d’une promenade…

Le tout est de porter davantage d’attention sur les expériences positives que nous vivons dans notre corps que sur celles qui sont négatives.

  • 5) Si l’on débute, préférer les cours de yoga non dynamiques

Le fait de prendre les postures lentement aidera à se mouvoir en conscience, à se placer de façon juste pour soi et à laisser son attention se porter sur l’action.

Si la pratique est trop dynamique, la sensation d’être emporté par le flow peut être plaisante et grisante, mais elle ne nous permet pas d’être pleinement présent à soi, à la fois acteur du mouvement et spectateur de nos réactions au mouvement.

 

  • 6) Pratiquer le pranayama

La respiration est vue comme un acte réflexe. C’est le seul processus dans le corps qui peut se faire de façon consciente ou pas… Une sacrée clef pour amener des changements au niveau de notre chimie interne et donc de notre mental. La respiration n’est pas efficace chez tout le monde. Avant même de vous exercer au pranayama, retrouver une respiration ample et régulière dans le quotidien est déjà un bon exercice.

Lorsque vous respirez consciemment et que vous associez vos mouvements à vos respiration, la vitesse d'exécution des asana réduit naturellement et vous réduisez ainsi le risque de vous blesser en pratiquant le yoga.

  • 7) Opter pour des séances de yoga régulières

handstand yoga

Ce n’est qu’en répétant que l’habitude se crée.

Ce qui compte, ce n’est même pas la séance en elle-même : ce sont les espaces entre les séances !

Vous le savez, quand vous suivez une séance de yoga, vous vous sentez mieux sur la fin de la journée.

Peut-être aurez vous comme des "echos" de la pratique le lendemain, voire deux jours après, mais guère plus.

Vous repartez ensuite dans votre quotidien en perdant de vue la conscience du corps, du souffle, du placement, l’attention aux choses…

Mais si vous avez de nouveau un cours 3 jours plus tard, cela fait un rappel.

Lorsque l’on débute le yoga, deux cours par semaine permettent de faire une vraie différence dans le niveau d’attention au quotidien et dans la conscience du corps car une continuité est maintenue entre deux séances.

Veillez donc, même si vous ne suivez pas très régulièrement des cours collectifs, à vous réserver de petits temps pour faire quelques respirations et une ou deux postures.

  • 8) Différencier yoga et acrobatiesyoga sportif

Bon, là c’est assez évident. Si une posture vous impressionne, il y a de bonnes chances pour que vous vous contractiez et que cela se termine avec une gêne voire une blessure. Les postures de yoga ne sont pas vraiment acrobatiques, à l’exception de deux ou trois portant des noms d’oiseaux ! Si vous voulez vraiment aborder cela, faites-le une fois votre corps tonifié, lorsque vous avez une bonne conscience de votre placement et de vos limites, et en étant guidé.

Les 2 blessures les plus fréquentes lors des cours de yoga

Lors des cours de yoga que j'ai suivis ou que j'ai donnés, personnes ne s’est jamais blessé.

Il faut dire que nous ne sommes pas des fous de la posture, mais ce n’est pas mollasson pour autant.

Tout est fait en conscience, et lorsque les enseignants s'appliquent à guider des sensations à trouver plutôt qu’une forme de corps à tenir à tout prix, tout se passe bien.

Les blessures mentionnées ici sont surtout celles de collègues et amis, enseignants de yoga, qui ont trop forcé lors de leurs formations d’enseignants ou lors de cours dynamiques.

Une douleur aux poignets

Dans la plupart des cours de yoga, les postures en appui sur les mains et sur les pieds ou les genoux occupent une part importante des séances.

Dans ce cas, une erreur fréquente et de mettre tout le poids sur ses poignets.

C’est étonnant, nos pauvres petits bras sont moins forts que nos jambes qui ont l’habitude de nous soutenir ! Sauf si vous marchez sur les mains au quotidien, mais bon, c’est assez rare.

Prenez donc l’habitude de mettre toujours un petit peu plus de poids sur les appuis arrière (bas du corps) que sur les appuis avant (bras). Et ne forcez pas, évidemment.

Si vous visez des postures comme le paon, le coq, le cygne ou le corbeau (vous voyez, ce ne sont que des oiseaux !) ne faites pas des séances trop longues pour vous y entraîner.

Pour plus de détails sur les risques liés à une mauvaise prise de posture au niveau de vos poignets, vous pouvez consulter cet article pour en savoir plus.

Fragilité des genoux

L’autre grand problème, que l’on rencontre peut-être davantage chez les enseignants de yoga que chez les élèves, ce sont les divers problèmes aux genoux.

Très souvent, c’est un mauvais placement dans la posture du lotus ou un entraînement acharné pour y parvenir qui en est la cause.

Dans cette posture c’est très simple : l’assouplissement ne se fait pas au niveau des genoux mais au niveau des hanches.

S’il faut travailler 5 ou 6 ans pour développer souplesse et ouverture des hanches, prenez ce temps. Vos genoux ne doivent pas venir compenser ce manque d’ouverture…

Un petit lien ici pour en savoir plus sur le syndrome rotulien, source fréquente de douleurs au niveau du genou.

yoga se recentrer

Pour finir sur une note positive…

Si toutes ces blessures existent bel et bien, ne dramatisons pas.

La plupart des cours de yoga sont proposés par des enseignants qui savent quoi proposer à quel public.

On ne fait pas un cours pour apprendre la posture sur la tête dans une maison de retraite.

Les blessures lors des cours hebdomadaires restent rares. C’est surtout lors des pratiques au long cours (stages, formations) qu’il faut être vigilant.

C’est dans cette exploration plus fine du corps, qui se fait dans la durée, que des faiblesses peuvent se révéler ou que de mauvaises habitudes peuvent avoir des répercussions gênantes.