Virasana, posture du héros, est une posture assise majeure citées dans la plupart des traités de yoga. Au-delà de la posture, nous nous attarderons surtout sur le sens profond de cet asana qui est en lien avec le développement de virya, les qualités propres au héros. Qualités que tout yogi se doit bien évidemment de cultiver…
Quelles qualités développe-t-on dans virasana ?
La posture du héros porte un bien joli nom, mais quelles sont les qualités associées au héros ?
Cela varie d’une époque et d’une contrée à l’autre, même si dans l’imaginaire collectif le héros est celui qui a des qualités de cœur comme le courage, la bienveillance, un sens de la justice, de la compassion, etc.
C’est aussi celui qui par la force de sa volonté va atteindre des objectifs qui semblent impossible pour le commun des mortels.
Le héros a quelque chose d’extraordinaire qui force l’admiration, des capacités qui semblent hors norme et qui bien souvent viennent seulement de l’entraînement.
Ce qui caractériserait peut-être le mieux l’essence du héros, c’est cela : une personne comme vous et moi mais qui par la force de sa volonté a développé les qualités qui lui permettent de surmonter de grands obstacles et d’accomplir de grandes choses.
Si l’image fascine, c’est aussi parce qu’une petite part de nous s’identifie facilement au héros. Dans la plupart des histoires, il naît sans aucun avantage et c’est par ses choix qu’il forge sa personnalité et sa réussite. Voyons maintenant plus en détails ce qu’est un héros chez les yogis…

Rama est l'archétype du héros. Courageux, il affronte les situations malheureuses qui se présentent à lui avec courage et dignité.
Vira, celui qui est doué de virilité
Si l’on cherche une traduction du terme virya en sanskrit, on tombera sur de multiples sens : vigueur, force, énergie, héroïsme… Certains traducteurs traduisent même virya par « force sexuelle ». La multiplicité de ces traductions révèle encore une fois la richesse de la langue sanskrite et la difficulté à faire passer une idée de façon complète et juste lorsque l’on réduit un texte.
Ce qui est commun à tout cela, c’est l’idée de puissance et de force, ainsi que la notion d’héroïsme. Lorsque virya est traduit par virilité, cela ne fait pas référence aux attributs masculins mais à la force et à la puissance du héros ou de l’héroïne ! Alors oui, une héroïne peut être virile dans ce sens-là et cela n’enlèvera rien à sa féminité 😊
Le mot virya en sanskrit a donné virilité mais aussi vertu… En ce sens, c'est celui qui place son dharma au-dessus de ses pulsions. Deux idées qui semblent bien loin l’une de l’autre mais dont on peut retrouver les points communs en revenant à leur racine commune, ce que nous venons de développer sur les multiples sens de virya.
Virya dans le bouddhisme
Dans le bouddhisme la référence à cette qualité de virya est également présente, et il s’agit de l’une des paramitas (perfections) à développer. Par l’effort juste et la volonté, le pratiquant peut développer ce qu’il a de meilleur en lui.
Il y a vraiment cette notion de justesse dans virya. On ne force pas trop, mais juste assez. Cette mesure est à revoir à chaque instant, ce qui rend la maîtrise de virya particulièrement difficile.
Il ne s’agit pas d’une force brute mais de l’éveil d’une vraie sensibilité. Il faut se connaître, découvrir et comprendre ses limites à chaque instant et accepter de ne pas les dépasser avec brusquerie mais de les effleurer.
Virya dans la vie quotidienne
La force que l’on cherche à développer, nous savons tous intuitivement à quoi elle correspond. Virya est cette puissance de volonté que nous avons lorsque nous avons renoncer aux tentations du plaisir immédiat pour être plus en accord avec ce qui nous semble juste et qui nous voulons être. C’est la recherche d’un effort constant et agréable.
C’est le fait d’être réellement puissant car on sait vers quel objectif nous allons, le cap que nous devons tenir, et rien ne nous distrait dans ce voyage. Nous ne nous laissons pas charmer par les séduisantes sirènes à la voie sublime qui risqueraient de nous faire échouer. C’est rester centré, assez sûr de soi pour ne pas être une girouette et assez adaptable pour prendre en compte l’environnement et les conditions réunies à un instant donné.
Ces qualités propres au vira pourraient être développées plus longuement, il y a tant à dire, mais c’est beaucoup plus important d’expérimenter que de disserter. Si vous souhaitez compléter et enrichir cet article, sentez-vous libre de le faire dans l’espace commentaires, il est là pour cela et je n’ai pas la prétention d’être exhaustive, surtout sur un sujet si vaste !
Le héros, le surhomme
Pour finir, il y a pour moi une notion de transcendance dans le vira. C’est un peu le surhumain de Nietzsche, c’est cette capacité que nous avons mais qui n’est pas innée pour celui qui se complaît dans la facilité, dans la médiocrité, même, pourrait-on dire à se dépasser soi pour toucher du doigt quelque chose de plus grand.
Les textes mettent parfois en avant les qualités morales des héros, mais la morale pour elle-même n’a aucun intérêt, elle est limitée car propre à une culture. Ce qui fait les héros, c’est la capacité à ne pas agir uniquement en fonction de leur propre intérêt mais d’avoir une vision de la vie beaucoup plus large. C’est être capable d’agir sans toujours attendre un retour, c’est être sur la voie du karma yoga, de l’action accomplie pour elle-même.
Comment prendre virasana, la posture du héros ?
C’est une posture vraiment simple (ok, pour peu qu’on ait la souplesse pour). Je veux dire par là qu’il n’y a rien d’extravagant ou d’acrobatique. Virasana fait partie des postures majeures car c’est un asana assis, ce qui permet si l’on y est à peu près à l’aise de la garder longtemps. Par longtemps, j’entends au moins un gathika, soit 24 minutes, durée minimum pour la plupart des exercices de concentration et de respiration).
Virasana dans les textes traditionnels du hatha yoga
Mise en place de virasana, posture du héros :
Je reprends l’excellente traduction commentée de la hatha yoga pradipika réalisée par tara Michaël pour renseigner ce paragraphe.
Hatha yoga pradipika
Virasana, l’asana du héros
Placer un pied sur l’une des cuisses, cette cuisse se trouvant au-dessus de l’autre pied : cela est virasana. Placer par exemple le pied droit sur la cuisse gauche et la cuisse gauche au-dessus du pied gauche (c’est-à-dire le pied gauche sous la cuisse gauche).
Gheranda samhita
« On doit placer un pied sur l’une des cuisses, et sur l’autre pied cette cuisse doit s’appuyer par-derrière : c’est le virasana. »
Darshana Upanishad
« On doit placer le pied gauche sur la cuisse droite, et être assis avec le corps droit : c’est le virasana. »
Hatha Ratnavali
« Placez un pied sur la cuisse opposée et l'autre pied sous la cuisse opposée et restez immobile. Cela s'appelle virasana. »
On voit que les instructions diffèrent légèrement d’un texte à l’autre.
Ce qui est clair, c’est que virasana est une posture assise dans laquelle on s’s’installe droit et immobile.
Il y a toujours une torsion au niveau des genoux qui est délicate à réaliser. Il est également nécessaire pour pouvoir être droit d’avoir une certaine ouverture au niveau des hanches. Il n’y a pas d’indication concernant le placement des mains.
Je pense qu’un geste joint comme dhyana mudra (geste de la méditation) est approprié. On peut également tendre les bras et adopter janana mudra, le geste de la connaissance. Dans ce cas, les bras sont étirés, les paumes de mains tournées vers le haut avec pouce et index joints et les autres doigts joints et tendus.
S’installer en virasana, posture du héros
La posture est asymétrique, il convient donc de travailler des deux côtés.
On peut commencer en amenant le talon gauche au périnée et le talon droit vers la fesse droite.
Variante : au lieu de poser le talon au périnée, on l’amène sur la cuisse, ce qui est plus exigeant pour les genoux.
C’est une alternative possible aux postures assises jambes croisées qui ne conviennent pas à tout le monde.
Bénéfices, contrindications et adaptations possibles
Qui a intérêt à faire la posture du héros ?
Tous ceux qui ne sont pas encore des héros ! 😉 Je le recommande parfois à celles et ceux qui ne peuvent pas s’asseoir confortablement en posture jambes croisées. Dans certains cas, virasana est une alternative intéressante pour maintenir une posture assise prolongée tout en maintenant la colonne vertébrale droite.
Les limites de virasana
La posture est exigeante pour les genoux qui sont très sollicités, elle n’est vraiment pas pour tout le monde. Une bonne adaptation consiste à s’asseoir sur un coussin, ce qui permet de réduire la tension au niveau des genoux.
Le yogi, ce héros…
Le yoga est aussi appelé vira marga, la voie du héros.
En effet, le yogi développe son énergie personnelle, il explore cette force en lui, ses potentialités.
Il cultive des l’intériorité, la paix, l’immobilité.
Autant de qualités qui rendent superflu le recours à une morale sociale figée et qui sont censées permettre en soi l’émergence d’une compréhension profonde qui mène à l’expression des qualités du cœur.
J’adore l’histoire associée à chaque article et posture 🙂 !
MERCI
C’est une posture qui me convient bien.
Oui, j’essaie vraiment de raconter des histoires, parce que le yoga c’est aussi un appel à l’imaginaire ! La technique, on la trouve partout 🙂
J’adore cette posture, elle m’a toujours rappelé l’enfant en nous. C’est vrai que quand on regarde les tout-petits, se sont de vrai héros et yogi naturels. Ils trébuchent et se relèvent en souriant. Merci pour ce beau rappel.
Oui c’est vrai que ce sont des qualités que les petits ont tout naturellement… Comme quoi au fond de nous nous sommes toujours des héros ! Sans parler du fait que les enfants ont aussi la souplesse pour prendre très naturellement cette posture.
Mais alors, je tombe des nues… pour moi, le héros c’était la posture assise sur les talons, jambes pliées sous soi. Alors, en (re)lisant les textes traditionnels, j’étais perdue. Heureusement que tu nous l’as illustré, mais finalement certaines descriptions peuvent prêter à interprétation : un pied qui touche la cuisse, ça pourrait être la jambe pliée sous soi ! Un peu comme l’interprétation de l’arc qui peut se transformer en chameau… Merci pour ces explications ! (Claire, du blog heureuxcoach.fr)
Haha ouiii le héros est souvent décrite de façon vraiment succincte, difficile de savoir quelle est la “vraie” posture et du coup chaque école l’enseigne un peu différemment. D’une école à l’autre les noms peuvent varier, tout comme d’un texte à l’autre ils peuvent être assez différents. Par exemple là où j’ai appris, la posture que tu mentionnes (assis sur les talons) c’est vajrasana, posture du diamant. Enfin le yoga est riche et pas toujours très “carré”, c’est aussi pour ça qu’on l’aime 😉