L’une des choses les plus difficiles à faire actuellement, c’est accepter de prendre son temps. Il y a plus de fantasmes sur le temps que sur l’argent de façon générale, même si chaque cas est particulier et que l’on a évidemment tendance à désirer ce qui nous fait le plus défaut. Une petite réflexion sur notre rapport au temps, à la voie, au droit que nous nous accordons (ou pas) à suivre des chemins de traverse !

L’habitude de l’immédiateté

Comme il est difficile d’accepter de ne pas tout avoir directement… Nous sommes habitués à trouver une information en quelques clics alors qu’il y a encore vingt ans cela était impossible : soit on se passait de l’information, soit on choisissait d’investir un peu de temps pour la trouver.

La voie du yoga est difficile actuellement pour cette raison : comme toute voie, elle demande du temps, de la répétition, elle demande de faire des erreurs car le parcours linéaire et sans embûche n’existe pas. Il faut du temps pour trouver nos réponses, et rien n’étant définitif, les réponses qui aujourd’hui paraissent merveilleuses pourront paraître fausses demain. Il y a réellement de quoi se décourager. Ce "à quoi bon ?" qui résonne, tout chercheur l'a entendu des milliers de fois.

Cheminer, faire des erreurs, recommencer avec la même passion, le même amour. Qui est capable de cela désormais ? 

Prendre une voie qui nous anime, n’importe laquelle du moment qu’elle fait sens, et nous y dédier. Qu’il s’agisse de musique, de danse, de dessin, de biologie, de plongée, de construire un orphelinat au Népal, d’élever ses enfants… Tout est identique finalement. Tout nécessite passion et temps.

La passion à l’épreuve du temps

On le dit souvent pour les relations amoureuses, mais c'est totalement vrai pour toute chose, pour toute quête, pour tout projet, dès que l'habitude se crée et que la stimulation qui dégageait ce petit surplus d'énergie n'est plus aussi vive... Et oui, pour toute relation. Si l'on ne fait rien, à moins d'un heureux hasard, la passion peut laisser place à l'ennui.

Avec le temps la passion s’émousse. Ce qui fait la différence entre ceux qui vont loin sur une voie et ceux qui suivent de multiples voies sur quelques mètres, c’est seulement la capacité à nourrir cet engagement, à retrouver de la beauté, de la joie, de la vie dans chaque pas qui est fait sur le chemin même si on parcourt le même chemin depuis des années. C’est le même chemin, mais les paysages évoluent si on sait y prêter attention… La réponse n'est pas dans le changement permanent des circonstances extérieures, elle est dans le changement de notre regard sur le monde.

Quoi qu’il arrive, lui donner sa chance à ce chemin qu’on avait choisi, persévérer, lui donner du temps car ce n’est qu’en créant cette intimité avec une pratique qu’elle peut révéler des choses sur soi-même. Et c’est vrai pour la voie du yoga, mais pour n’importe quelle discipline, n’importe quelle aspiration ou cause à laquelle on choisit de se dédier. 

Un drôle de rapport au temps

Il faut que tout aille vite. Pas le temps. On croirait les petits lapins blancs d’Alice au pays des merveilles qui s’agitent et qui sont toujours en retard, ils ont beau se dépêcher le temps les a déjà rattrapés ! Et si on sortait de cette folie ? Et si on soignait notre rapport au temps ? Et si au lieu de le voir comme un ennemi qui nous échappe on voyait la beauté qu'il permet de créer ? Il faut du temps pour accomplir les plus grandes et les plus belles choses. Les résultats dépendent seulement de la manière dont il est employé.

Pour évoluer dans notre société il faut être efficace, produire, au lieu de simplement ressentir et expérimenter. Le droit à l’erreur est dénigré, c’est une perte de temps. Et pourtant c’est bien la somme de toutes nos expériences, celles que nous qualifions de réussies ou de malheureuses, qui nous ont amené à cet instant présent que nous vivons, là. On ne peut pas se tromper, il n’y aura que des détours et parfois un détour amène un raccourci. Et parfois cela rallonge le chemin, mais si nous savons goûter l’expérience, il n’y a pas de problème.

Que chaque pas, chaque choix de direction, chaque détour soit fait en conscience.

Si vous lisez ces lignes, c’est d’ailleurs la somme de vos expériences qui par un drôle de hasard vous a amené à lire et réfléchir sur ces mots, ou à les laisser filer s’ils ne résonnent pas en vous…