Le terme de sacré, on nous le sert à toutes les sauces (végétariennes de préférence). La pratique du yoga c’est créer un espace sacré, aller à la rencontre de son être sacré, amener du sacré dans son quotidien…

Je m’insurge souvent contre l’utilisation abusive de termes souvent flous comme « énergie », « conscience » et… « sacré ». Cela heurte mon besoin d’exactitude. Il faut comprendre tous les termes d’une phrase afin de pouvoir ensuite élaborer une réflexion sur le sens.

Namasté !

Je vous livre une anecdote personnelle drôle et un peu méchante, j’utilise avec mes amis le terme de « namasté », qui devient là péjoratif, pour parler de cette mouvance où la bienveillance et la compassion deviennent des obligations, où l’expérience mystique est la norme, où il fait voir de l’extraordinaire partout sous peine de passer à côté de sa vraie vie. C'est aussi une référence à la série "Namasté, bitches" (si vous enseignez le yoga, regardez, c'est excellent) qui dépeint avec humour les travers de la professionnalisation du yoga.

Donc si vous m’entendez dire « il est bien namasté celui-là » ou « c’est très namasté comme réflexion »… Eh bien… Ce ne sera peut-être pas aussi bienveillant que la morale pseudo yoguique l’exige.

De l’utilité d’un dictionnaire

Quand je ne comprends pas un terme, comme toute personne logique, je vais voir un dictionnaire (oh, objet désuet, qui en possède encore un ?). C’est moins rapide et moins gratifiant que d’inventer une définition mais je trouve que ça fonctionne bien. Et puis ça permet d’avoir un langage commun avec mes semblables lorsque nous discutons d’un sujet.

Prenez 10 secondes pour donner votre propre définition de « sacré » avant de lire la suite…

Voilà, c’est fait ?

Petit Larousse nous dit ceci :

« Qui appartient au domaine séparé, intangible et inviolable du religieux et qui doit inspirer crainte et respect (par opposition à profane) ».

Puis ceci :

« Se dit des sentiments de crainte et de respect inspirés par les choses qui sont l'objet d'une révérence religieuse ».

Et aussi :

« Qui a un rapport avec la religion, avec l'exercice d'un culte ».

Et enfin, dernière définition pertinente pour notre sujet :

« À qui l'on doit un respect absolu, qui s'impose par sa haute valeur : Le caractère sacré de la personne humaine ».

Alors, c’est quoi, « sacré » ?

Un mot sur la définition elle-même : elle m’a surprise, surtout le caractère « séparé » (je pensais que ce qui était sacré était plutôt quelque chose à intégrer, plus qu’une image lointaine et intouchable).

Le lien avec la religion, ok, mais du coup lorsque l’on pratique le yoga et que l’on tient à ne pas mélanger pratique yoguique et hindouisme, est-ce approprié de parler de « sacré » ? La notion de respect absolu est forte, dans ce cas, pourrait-on aspirer à ce que tout soit sacré ?

Le sacré et la pratique du yoga

Dans les milieux dits « spirituels » (oui, c’est aussi un concept sur lequel je vais certainement m’attarder) le terme de « sacré » est parfois relié à « notre être sacré ».

Qu’entend-on par-là ? Je vous avoue que lorsque les concepts ne sont pas très clairs, j’ai tendance à me fermer, à qualifier la personne de « namasté » et à rester dubitative tant que je n’ai pas bien compris.

Je sais que l’on met beaucoup l’accent sur l’intuition, la compréhension non logique. Je pense que c’est important de développer cette forme de compréhension plus intuitive, je suis d’accord pour dire que la sur-analyse ne permet pas une compréhension complète des choses. Mais je ne suis pas d’accord lorsque cet argument sert à camoufler une lacune en pédagogie (je ne jette la pierre à personne, il y a des choses que nous n’arrivons pas à expliquer, et ce n’est pas grave) soit une volonté de prendre l’ascendant sur la personne à laquelle on présente une théorie (plus grave, et malheureusement vu de nombreuses fois). Creusons un peu.

On parle également de faire de la pratique du yoga un « moment sacré ». A la lumière de nos définitions, j’entends donc « un moment de grande valeur » et je suis assez d’accord avec ça. Et je trouve cela bien plus explicite de dire « ce moment a de la valeur pour moi parce que blablabla, chacun a ses raisons » que d’affirmer d’un air mystérieux « c’est un moment sacré ».

Je trouve que la définition suivante est aussi valable (encore merci Larousse) : « Familier. Qui revêt une importance primordiale et à quoi il ne faut pas toucher : Rien de plus sacré que sa promenade après le déjeuner ».

Dans ce sens, le temps de pratique est sacré pour certains. Mes proches savent par exemple que si je n’ai pas eu le temps de pratiquer le matin, je suis, disons, moins conciliante. C’est embêtant car j’aspire à être d’humeur relativement égale quelles que soient les circonstances, mais bon. C’est donc un moment qui est considéré comme sacré, pour eux (parce qu’ensuite je leur fous la paix) et pour moi (sans ça, il « manque un truc »).

Autre invitation sur laquelle je souhaite m’attarder : celle de « trouver en soi un espace sacré ». C’est peut-être celle qui sonne la plus « namasté » mais je la trouve très belle. Cet espace en soi que l’on cherche, c’est le cœur de nous-même, ce qui est toujours là, ce qui est intangible. C’est notre essence, pourrait-on dire. C’est ce qui est sacré dans le sens d’inviolable. Pas parce que l’on décide de préserver à tout prix cet espace, mais parce que quelles que soient les circonstances de la vie, quelles que soient nos pensées ou nos actions, cet espace est là. Le but de nombreuses disciplines, religions, philosophies est de se relier à cet espace, à ce qui en nous est « authentique », « pur », « fort » d’une certaine manière. Difficile à décrire, vous voyez ces lacunes en pédagogie dont je vous parlais ? Nous sentons tous à certains moments cet espace en nous, la petite voix qui nous fait pressentir dans quelle direction aller, une sensation de plénitude et de chaleur qui s’impose par moments, une aspiration à se relier aux autres et au monde, une impulsion qui semble jaillir d’au-delà le mental…

C’est donc un espace sacré en nous, et souvent nous l’oublions, cet espace, faute de le voir. Comme une voix qui chuchote trop doucement et que l’on peine à entendre lorsque le vacarme du monde se fait trop intense.

Je pense que le but de la pratique c’est cela, nous ramener constamment à la maison, dans cet espace que l’on peut légitimement qualifier de « sacré ». Les circonstances de la vie « profane » nous font oublier sa beauté. Mais rien ne peut l’entacher, puisqu’il est par nature sacré. La pratique est un rappel constant que ce lieu en nous-même existe bel et bien. Les moments de pratique permettent de s’y relier, de le sentir plus intensément, plus concrètement. C’est un peu, je crois, cette sensation que certains expriment en disant se sentir en paix, alignés, ancrés…

Le lien permanent avec le sacré

Si l’on devait utiliser un outil de mesure pour évaluer l’efficacité de la pratique, ce serait peut-être celui-ci : à quel point notre pratique nous relie-t-elle à cet espace ? Réussissons-nous à construire des passerelles permanentes entre ces instants sacrés et la vie que nous qualifions de profane, ce que nous appelons avec un brin de mépris « le quotidien » ? Pouvons-nous sentir qu’il s’agit finalement d’un seul et même espace ? Quels sont les points de rencontre entre sacré et profane ?

Je vous invite à vous poser ces questions et d’autres encore, car ce sont elles et vos réflexions sur ce sujet qui vous permettront d’avancer sur la voie du yoga. Ce type d’article n’est qu’une invitation à la réflexion, il n’a aucune autre valeur, aucune autre prétention. Ces quelques lignes ouvrent des portes, il faut ensuite que vous preniez le temps d’aller explorer ce que chacune d’elles renferme, faute de quoi vous resteriez dans le mental, dans l’idée, dans le contentement d’avoir lu un truc vaguement spirituel sans saisir l’opportunité offerte : la connaissance de vous-même. Vous ne lirez jamais quelque chose qui révolutionnera votre vie et qui vous apportera une réponse parfaitement adaptée à vos questionnements. Ce sont les réflexions que vous pourrez mener qui vous conduiront à comprendre et à évoluer.

Petit mot de la fin. Mon grand-père adoré me disait souvent « t’es une sacrée, toi ». Je choisis de feindre l’incompréhension et de me réfugier derrière la définition de mon choix pour interpréter cette phrase. Et je choisis de prendre cette phrase avec tout l’amour qu’elle peut porter, peut-être avait-il pressenti en moi, comme en lui, comme en chacun de nous, le côté sacré d’un espace caché ?