Laissez-moi vous raconter une petite histoire !

Lorsque nous sommes enfants, nous demandons toujours aux adultes de nous raconter des histoires. Pourquoi ? Parce que que ce subtil mélange de divertissement, de dépaysement (nous entrons dans d'autres lieux, époques et vies) et de réponse aux questions que nous nous posons nous permet d'avancer.

Pour que nous nous intéressions à quelque chose il faut que nous nous sentions concerné. L'enfant se sent concerné par de nombreuses choses, par des questions bien plus profondes que les adultes, finalement. Sans les préoccupations du quotidien à gérer il y a de l'espace et assez d'ennui pour s'interroger sur les questions relatives à soi, qui suis-je, qui sont les autres, comment entrer en lien, comment être heureux, etc.

Une fois adulte nous oublions cela.

La vie nous prend et nos responsabilités, notre emploi du temps, nos nouvelles obligations occupent tout l'espace mental. Il y a un peu de place pour du divertissement, certes. Mais pour la plupart d'entre nous, pas assez de vide et de silence pour laisser la place à des questions.

 

Notre tempérament change également : les apprendre à méditer chez soiquestions doivent toutes trouver des réponses. Pour s'affirmer dans le monde il faut avoir des certitudes, c'est obligatoire pour maintenir une certaine stabilité et pour préserver sa santé mentale. Mais trop de certitudes empêchent les questions de rester en suspens.

 

Ceci est une invitation à laisser tout cela de côté, à retrouver la part enfantine en vous et à accepter de prendre 3 minutes non pas pour lire quelque chose d'utile mais pour lire ou vous faire lire (voici la version audio, un peu plus courte) un conte...

 

 

 

 

 

 

C'est l'histoire bien connue de Brahma et des hommes. Brahma, dans la mythologie hindoue, est le créateur. Il crée toute chose, le monde, les créatures qui peuplent la terre, les idées... Vous l'avez compris, Brahma personnifie la notion de création.

On dit qu’autrefois les hommes étaient des dieux. Savez-vous ce qu'est un dieu ? Moi je ne le sais pas vraiment. Ce que nous appelons dieu, c'est souvent un être très puissant, qui a de grands pouvoirs. Il est craint et respecté. Il est souvent juste, d'ailleurs un être ayant la même force qu'un dieu sans cette qualité de justice, de droiture, est souvent qualifié de démon.

Donc à l'origine des hommes, nous trouvons les dieux... C'est quand même plus prestigieux que le singe !

Les hommes s’étaient pas réputés pour leur sagesse et ils utilisèrent leur pouvoir à mauvais escient. Tout pouvoir, toute force est brute, neutre, et les hommes qui avaient la force sans la droiture, sans l’écoute et la sensibilité, retournèrent ce fabuleux pouvoir contre leurs semblables et surtout contre eux-mêmes.

Ils ne se conformaient plus au dharma. Ce que l'on appelle dharma, c'est la loi. Pas seulement la loi fixée par l'Etat pour garantir une certaine paix sociale. Et ici il ne s'agit surtout pas de cela. Ce dharma, c'est l'engagement que nous prenons envers nous-même, consciemment ou inconsciemment, d'être et de se comporter d'une certaine manière.

Chacun a donc son dharma. Quand on le suit, on se sent bien, cohérent, à sa place. Le fait de ne pas le suivre peut parfois être exaltant et apporter un sentiment de pouvoir lié à la transgression... Mais qui n'est que temporaire car ensuite la sensation d'être une personne que l'on n'aime pas, que l'on ne valorise et que l'on n'estime pas peut prendre le dessus.

Brahma, qui est le principe créateur de toute chose, décida d’agir pour que les hommes arrêtent de répandre le malheur. Il leur reprit ce pouvoir divin et décida de trouver une cachette où les hommes ne penseraient jamais à le chercher.

Brahma n'est pas là pour nuire aux hommes. S'il fait cela, c'est avant tout pour les protéger. Comme un parent qui enlève des mains de son enfant un outil performant mais dangereux s'il n'est pas assez habile pour l'utiliser, Brahma décida de mettre de côté ce grand pouvoir pour éviter que le monde ne court à sa perte.

Tous les dieux furent interrogés pour trouver la cachette idéale. L’homme est malin et téméraire, il fallait donc une excellente cachette. Ou un endroit auquel seuls les plus sages pourraient accéder.

Les dieux proposèrent tout d’abord de cacher cette part divine dans la terre. Mais Brahma ne trouvait pas cette cachette suffisamment sûre. Il était persuadé que les hommes finiraient par creuser pour retrouver leur pouvoir.

Ils eurent ensuite l’idée de déposer la divinité au fond de l’océan, mais Brahma savait bien que les hommes finiraient par trouver un moyen de plonger dans les profondeurs marines. Il écarta donc cette idée.

Après des jours de réflexion, les dieux en arrivèrent à cette conclusion : où que l’on cache le divin, l’homme finirait par le trouver. Il avait exploré la terre, puis l’océan et ensuite l’espace : aucun endroit ne pouvait être totalement sûr.

Les dieux décidèrent donc de cacher la part divine de l’homme au plus profond de lui-même car dans sa frénésie pour explorer le monde extérieur, il en oublierait très certainement d’investir cet espace intérieur.

Et on dit que les hommes continuent d'explorer le monde et de multiplier les expériences, non pour le simple plaisir de la découverte mais pour trouver quelque chose qui semble leur manquer, un supplément de joie, une flamme, une part de vie. Ils ont retourné la terre entière et explorent même d’autres planètes alors que ce qui leur manque est là, tout prêt et tout près, mais ne peut se révéler que dans le silence, l’écoute, l’immobilité.

 

La suite de l'histoire, je ne la connais pas, elle ne peut être que personnelle. Qui va chercher, qui va trouver, peut-on dire que l'on a complètement ou partiellement trouvé, trouver est-il l'aboutissement, la fin du jeu ?

Pouvoir humain, pouvoir divin

Le principe divin c’est l’âme. Etymologiquement c'est ce qui anime, ce qui donne l’énergie, l’élan, l’envie, ce qui exalte.

Et oui, pour beaucoup d’entre nous cette capacité semble aujourd’hui éteinte. Nous semblons plus proches de machines que de dieux, et pourtant nous avons un cœur, des envies, des joies et des grandes peines, des préférences… Mais nous sommes nombreux à avoir mis tout cela de côté car cette ouverture, cette vulnérabilité c’est une source de joie et de force mais aussi potentiellement de souffrance.

Et si ce n’était pas Brahma qui avait placé le divin au fond de nous-même ? Et si ce que nous nommons divin, cette capacité, ce pouvoir surhumain, c’était simplement notre capacité à être pleinement humain ?

Plus c’est mieux, ou comment s’asseoir sur une montagne de ressources inexploitées

Un conte qui questionne sur une tendance naturelle que nous avons tous : l'envie d'aller chercher plein de nouvelles choses à l'extérieur sans utiliser ce que nous avons déjà comme ressources.

Dans certains domaines de notre vie, nous pensons que la réussite, le fruit de la quête que nous menons ne nous sera accessible qu'à condition d'avoir rempli tel objectif ou d'avoir telle chose ou telle compétence... C'est une course sans fin.

Si nous apprenions à exploiter les ressources que nous avons déjà au lieu d'en chercher de nouvelles à l'extérieur ? Faire avec ce que l'on a, exploiter au maximum les compétences et ressources déjà présentes, n'est-ce pas déjà une forme de sagesse ? C'est en tout cas un bon moyen de ne pas céder à la fuite en avant d'une société (un peu, beaucoup, passionnément) malade de trop consommer. Et je ne parle pas uniquement d'acheter des objets, par consommation j'entends cette quête du "toujours plus".

Parfois ce toujours plus est valorisé. Prenons l'exemple du yoga, une bonne illustration.

Avant de démarrer à pratiquer seul, on se dit tous "je débuterai une fois que je connaîtrai très bien 10 techniques". Une fois les 10 techniques maîtrisées, nous n'avons fait que nous rendre compte de l'ampleur de notre ignorance. Il faut aussi maîtriser parfaitement tel pranayama, tel mudra. Et une fois que nous avons progressé, nous sommes capables de dire que la qualité de notre attention n'est pas suffisante pour nous y mettre sérieusement. Finalement on ne se lance jamais : chaque progrès nous fait prendre conscience de l'étendue de notre ignorance, donc nous ne sommes jamais assez "bon" pour commencer sérieusement ! Vous voyez, ce n'est pas toujours de consommation matérielle dont il s'agit !

La même chose s'applique aux résolutions que nous pouvons prendre, on en arrive à des aberrations comme "je me mettrai à faire du sport pour être en forme quand j'aurai perdu 10 kilos" ou "j'irai danser quand je saurai danser"... Mais bien sûr !

Et la suite ?

Une fois que nous avons retrouvé notre pouvoir, qu'en faisons-nous ? Prenons-nous le risque de le retourner une nouvelle fois contre nous, au risque de le perdre ? Peut-on dire simplement que nous l'avons trouvé ou que nous ne l'avons pas trouvé ? Ce pouvoir me semble bien plus subtil... Comme une petite flamme qui émerge à peine. Si nous en prenons soin, que nous y restons attentif, que nous le nourrissons constamment, assez pour chauffer mais pas trop pour ne pas créer d'incendie, il peut alors être utilisé à bon escient !