Aucune vérité n'est énoncée ici, le but est seulement de vous donner mon prisme, ma vision du yoga, tant au niveau de la pratique personnelle que de l'enseignement. Cette vision n'a strictement aucun intérêt, chacun a la sienne, mais si vous êtes déjà engagé dans des cours avec moi ou si vous projetez de suivre mes cours il peut être intéressant de voir quels sont les fondations sur lesquelles repose ce que je peux partager avec vous.

Une petite posture simple pour vous donner envie de pratiquer ! C'est parti 😀

Comment définir le yoga ?

Je ne parle pas des définitions officielles. Pour moi il s'agit d'un moyen pour développer davantage de conscience et d'énergie. Pour cela, les techniques sont nombreuses et il convient de les choisir avec soin pour trouver ce qui fera mouche à un moment donné. Les grandes thématiques qui me parlent sont le développement de l'intériorité, le travail sur la verticalité et l'équilibre (nous travaillons sur le corps mais la répercussion au niveau mental est très nette), la familiarisation avec le fonctionnement de la pensée.

Quel yoga ?

Aujourd'hui une variété d'appellations existe et chacune se différencie par quelques spécificités, l'accent mis sur un aspect de la discipline, ou sur une modification apportée par le "créateur" de cette variante. Pour ma part, je ne suis pas fan des classifications. Je pratique et enseigne le hatha yoga, ce qu'il y a de plus basique, ce qui est décrit dans les textes traditionnels (enfin... En prenant en compte nos corps d'occidentaux et le niveau d'engagement de chacun dans la pratique, ce qui nécessite déjà de faire des choix et des adaptations).

Pour moi, le hatha yoga est un travail qui utilise le corps car c'est un chouette véhicule qui ne peut pas être changé, mieux vaut donc en prendre soin que de faire come s'il n'existait pas. Tout comme il ne me viendrait pas à l'idée de pousser ma petite voiture à 180 km/h pour "voir jusqu'où elle peut aller", je ne cherche pas à prendre des postures "en force" pour des raisons d'égo ou d'esthétisme. Une fois que le corps est fonctionnel et qu'il accepte de rester assis et immobile, c'est le travail sur le souffle qui est vraiment intéressant et transformateur.

Je cherche constamment l'équilibre pour éveiller le "feu", l'énergie, et l'immobilité, l'intériorité, la qualité de présence que l'on peut inviter mais pas forcer à s'installer. Ce que je pratique et enseigne est conforme aux enseignements de la lignée natha qui ont été démocratisés en France par Christian Tikhomiroff. Je donne l'info pour ceux qui veulent approfondir, vous pouvez consulter son site pour avoir un autre éclairage.

Quelle est la recherche ?

Pourquoi cette obsession du souffle ? La respiration nous accompagne au fil de notre vie, d'une première inspiration à une dernière expiration. Elle peut être inconsciente, consciente ou contrôlée.

Yogi qui semble effectuer uddiyana bandha : posture assise et verticalité accentuée, ventre rétracté, cage thoracique ouverte


Une fois que l'on interagit avec le souffle, on perçoit rapidement qu'il s'agit de la clef la plus efficace pour accéder au mental. Et là, les changements profonds peuvent commencer.

Alors bien sûr avant cela le travail sur le corps apport déjà un vrai bien-être, et davantage de calme, d'ancrage, de présence. Mais accéder au mental c'est un pouvoir bien plus fort, c'est être capable de changer le monde. Nous voyons tout à travers notre propre prisme, comme si le monde se dévoilait derrière un filtre qui ne laisse pas passer toutes les informations, qui en met certaines plus en évidence que d'autres, qui teinte chaque scène sans même que nous en ayons conscience.

Devenir familier avec le fonctionnement du mental, c'est comprendre les spécificités de ce filtre et être capable d'en changer ou de le supprimer. Le monde lui-même semble donc changer. Ce qui pose la question de ce qui est intérieur ou extérieur, de ce qu'est la vérité (est-ce l'objectivité ? A-t-on la capacité d'être complètement objectif ? Quels sont les conditionnements qui dirigent nos actes et pensées ?).

Le but que je recherche c'est donc cela : utiliser des moyens adéquats pour permettre de mieux investir le corps, de se familiariser avec le souffle, comprendre son lien étroit avec le mental, sentir que l'actions sur l'un a un effet sur l'autre, et jouer ensuite avec ces liens.

Une fois les techniques de base acquises et que l'on devient plus familier avec soi-même, la sensibilité et l'ouverture servent de guide. Tout ce qui a été appris est présent, intégré, et peut servir d'outil pour développer conjointement conscience et énergie.

 

Le hatha yoga aujourd’hui

Le yoga a évolué au fil du temps et des régions, vouloir s'attacher à une pratique ancestrale sans la laisser évoluer c'est une forme de rigidité. Mais doit-on accepter n'importe quelle transformation sous prétexte d'évolution ?

Puisque cet article est personnel, je vous donne mon point de vue qui, j'en suis consciente, est loin d'être une vérité. Je suis plutôt dans le camp des "tradi", j'ai longtemps eu le fantasme d'un enseignement pur, conforme aux origines, à une tradition. C'est en ayant la certitude que les pratiques étaient issues d'une tradition et d'une lignée que j'ai pu pratiquer avec assiduité car j'avais confiance dans ces enseignements qui avaient été éprouvé au fil des siècles.

Je me méfie aussi des techniques nouvelles, adaptations et mélanges avec d'autres disciplines qui sont créés par des personnes qui ont certes une pratique personnelle et quelques années d'expérience mais qui n'ont finalement que peu de recul. L'évolution du yoga a été lente, et aujourd'hui nous voulons tout révolutionner en quelques mois ou années. Je pense que si les choses ont été transmises d'une certaine manière et à un certain rythme ce n'est pas pour rien, je suis donc pour respecter cela !

Cette question du hatha yoga entre tradition et modernité est épineuse et je ne veux pas rentrer dans le débat c'est bien / c'est mal. Je note simplement que pour avoir envie de pratiquer, personnellement, je préfère savoir que la discipline est ancienne, que les textes traditionnels qui permettent de l'éclairer sont nombreux et ont été écrits au fil des siècles. Je préfère prendre mes enseignements auprès d'un maître que d'un enseignant tout juste diplômé alors que je n'ai pas "le niveau" pour tirer pleinement profit des enseignements d'un être éveillé et que j'aurais beaucoup à apprendre de n'importe quel enseignant, mais c'est comme ça, c'est mon prisme. Je pense qu'il faut seulement être conscient de ses propres fonctionnements et limitations, faire ce qui anime, qui nous motive, qui nous donne envie d'avancer sur le chemin de la connaissance de soi.

 

Comment devrait-on pratiquer le yoga ?

Evidemment la réponse sera différente pour chacun, mais dans un souci d'efficacité, de développement de conscience et d'énergie, je pense qu'il y a quelques règles incontournables.

Le cours collectif est la porte d'entrée pour la plupart des pratiquants. La première étape pour moi serait de franchir le cap de la pratique personnelle. Même si c'est simplissime, même si ce n'est au départ que 20 minutes tous les jours (ou tous les deux jours, ou quand on peut !), il est nécessaire de pouvoir pratiquer seul. Pas besoin de faire la même chose qu'en cours, commencez par des pratiques qui vous plaisent et que vous maîtrisez. Les cours guidés avec audio ou vidéo ne comptent pas ! Je parle vraiment d'un espace personnel de pratique, d'écoute, d'ouverture. Une fois l'habitude prise, on peut varier les pratiques, augmenter la durée... On a toute une vie pour pratiquer, chacun va à son rythme. Cette appropriation personnelle des pratiques est très agréable, prenez le temps, savourez chaque découverte faite sur le tapis, chaque respiration.

 

Mêler théorie et pratique me paraît indispensable. La proportion variera suivant l'appétence de chacun, mais je crois que pour aller dans la bonne direction un peu de théorie est important. Même si ce n'est qu'une phrase d'un texte traditionnel par jour que l'on va lire après sa pratique et se remémorer quelques fois au cours de sa journée. La compréhension donnent une direction à l'action, et sans action l'accumulation de connaissances ne mène nul part.

 

Les liens entre la pratique et la vie quotidienne me semblent aussi indispensables. Rester complètement présent dans le corps et le souffle au fil de la journée, noter les réactions du souffle aux variations émotionnelles, savoir observer ses pensées par moment sans y réagir... Ce sont des techniques apprises sur le tapis qui sont relativement simples à intégrer dans sa journée. Cela facilite la vie, et le temps de pratique augmente considérablement !

Ces conseils pour la pratique pourraient être plus nombreux, mais je ne vous donne que les principaux, que ceux qui selon moi s'appliquent à tous.

 

Un petit dernier : transmettez ce que vous avez appris, d'une manière ou d'une autre. Je ne vous dit pas de devenir prof de yoga (enfin si ça vous chante allez-y !). Aider son enfant à se centrer quand il se sent agité, soutenir un collègue qui est angoissé en lui donnant une petite astuce pour mieux respirer, répondre aux questions des amis curieux même s'ils se moquent un peu de votre passion pour le yoga, rester ouvert aux questionnements et aux doutes qui sont toujours légitimes, remettre sans cesse en question ses propres certitudes en côtoyant des personnes ayant des points de vue radicalement différents... Tout cela c'est une forme de transmission, de partage.

 

Une adaptation nécessaire pour l’enseignement

Pour moi, enseigner, c'est voir ce que la personne en face a envie / besoin de développer et s'adapter à ce besoin et à un mode d'apprentissage. Le yoga, traditionnellement, est plutôt enseigné en individuel qu'en groupe et c'est un ajustement permanent fait par l'enseignant entre les enseignements et l'élève. Il joue un rôle de pont, en s'effaçant, en se mettant au service. C'est ce que je m'efforce de faire, avec d'évidentes imperfections, surtout lorsqu'il s'agit de donner un cours collectif car il faut alors s'adapter à une moyenne, ce qui finalement ne peut convenir pleinement à personne.

Evidemment lorsque l'on enseigne, on adapte, on simplifie, on vulgarise, on essaie de trouver un juste compromis entre les attentes des élèves et ce qui est important pour soi. La pratique personnelle n'a rien à voir avec ce qui est proposé en cours. Le cours collectif, c'est une prise de contact avec ce qu'est le yoga. Ensuite, chacun son chemin. Certains apprécient grandement ce mieux-être et cela leur suffit, d'autres auront un intérêt pour la philosophie, d'autres encore auront une sensibilité à une pratique spécifique qu'ils s'approprieront complètement... Chacun réagit différemment et j'aime beaucoup cette diversité de réactions.

J'ai parfois ce syndrome de l'imposteur qui remonte : qui suis-je pour enseigner, moi qui ne suis pas un maître mais une personne encore en chemin ? Suis-je fidèle aux enseignements lorsque je simplifie les pratiques pour les rendre accessibles ? Les questions sur la légitimité sont toujours présentes, depuis le premier cours. Celles sur l'adaptation de l'enseignement également, mais j'ai trouvé un équilibre en m'efforçant de donner à chacun ce qu'il peut recevoir. Je ne peux pas proposer uniquement des cours particuliers, mais je connais assez bien chacun des élèves réguliers pour sentir ce qui peut l'aider. J'aime beaucoup les petits groupes pour pouvoir maintenir ce lien privilégié, cette écoute.

 

Travailler en tant que professeur de yoga

Dernier point qui me tient à cœur, celui de la professionnalisation de la discipline. Je me suis longtemps posée la question : est-ce éthique d'en faire un métier ? L'enseignement ne devrait-il pas être gratuit ? Où allons-nous en multipliant les salles de yoga, le marketing autour de cette discipline qui se voulait simple et loin de la consommation effrénée ?

La question de l'enseignement rémunéré est une vraie problématique, toujours pas résolue pour moi. J'ai cet idéal de la liberté et de la responsabilité de chacun. Si l'on se tourne du côté de l'Inde, l'enseignement "traditionnel" est apporté en individuel, l'élève offre à l'enseignant ce qu'il peut et tout fini par s'équilibrer ainsi. Le rêve. Bon, moi j'ai un loyer, des charges, et je ne me nourris pas (encore) de prana, j'ai besoin de suivre des formations (payantes) pour affiner ma pratique et développer mes compétences d'enseignante. Bref, je suis dans le système même si je le trouve épouvantable et je ne peux pas en subir les contraintes sans être rémunérée. Quelques amis pensent que dans 50 ans je vivrai loin du monde, dans ma forêt, dans mon tipi, et que tout le monde saura que je suis la folle du village qu'il ne faut pas trop approcher mais que certains viendront me voir pour apprendre les mystères du souffle. C'est sûrement vrai, en tout cas c'est comme cela que je rêve ma "retraite", ici vraiment dans le sens de "se mettre en retrait du monde".

Que faire, alors ? J'essaie de trouver un compromis en proposant des tarifs différenciés suivant les moyens de chacun, en proposant quelques événements à prix libre, je reste à l'écoute des personnes très motivées qui n'ont pas les moyens de suivre des cours et jusque là nous avons toujours trouvé de bonnes solutions.

Et ce qui se fait ailleurs ? J'ai une véritable aversion pour les salles luxueuses qui demandent 2 000€ l'année pour un cours par semaine. Mais je sais aussi que certains y trouvent leur compte et que c'est une porte d'accès à un yoga plus traditionnel (en tout cas qui répond un peu plus à la définition du yoga, lié à la conscience, l'intériorité, la maîtrise du mental...), sur le long terme, pour certains. La première porte d'accès au yoga est souvent un "accident", on essaie un peu par hasard ou au grès de drôles de circonstances. Je crois donc qu'il n'y a pas de bonne ou de mauvaise porte, il faut seulement voir l'ouverture pour ce qu'elle est, indépendamment des décorations qui l'ornent.

 

Formation et compétence pour l’enseignement

Quand on parle d'enseignement on pense compétence. Comment est-on "compétent" pour enseigner le yoga ? Ne devrait-on pas limiter ce "privilège" aux maîtres ?

L'enseignant est le relais entre le savoir et celui qui veut l'acquérir. Je pense que notre rôle est celui d'un passeur, nous conduisons la barque qui permet de naviguer vers de nouveaux territoires intérieurs. Nous connaissons quelques chemins, mais pas tous. Il y a de plus en plus de personnes qui veulent traverser ces eaux troubles, de plus en plus de passeurs sont nécessaires. Chacun ira voir celui qui a la compétence pour lui faire traverser un endroit précis. Pour une autre traversée, plus compliquée, il faudra peut-être en trouver un nouveau, plus aguerri.

Je m'insurge régulièrement contre les formations qui promettent de devenir professeur de yoga en un mois (et que dire de celles qui se font en quelques jours). Et pour certains c'est déjà une porte d'entrée, donc c'est une bonne chose que cela existe ! Je juge personnellement que ce n'est pas suffisant pour enseigner et que seule une longue période de pratique personnelle guidée (et pas nécessairement de "formation") est nécessaire, mais si certains se sentent légitimes avec un bagage plus léger pourquoi pas. Chaque élève saura apprécier si l'enseignant peut lui apporter quelque chose, après tout. J'ai fait le choix de démarrer avec une formation de 5 ans, qui en réalité est infinie car la vie même est l'enseignement le plus précieux et j'apprends chaque jour de nouvelles choses sur le yoga. La pratique et l'enseignement ne sont jamais figés, c'est ce qui fait aussi l'intérêt de ce "métier".

 

Pour conclure

J'ai jeté ici quelques mots qui traduisent ma pensée. Ce n'est pas exhaustif, ce sont simplement quelques bases qui vous permettront je l'espère de mieux comprendre ce que je tente de pratiquer, d'intégrer, de transmettre. Toute question, réflexion, protestation (!) est la bienvenue. Il est important pour moi de clarifier mon positionnement à un moment où le yoga prend des formes si diverses et où il est difficile de cerner les motivations et convictions profondes de ceux qui enseignent.