Le pranayama, c'est l'art de bien respirer. On pense souvent à tort que le but du jeu est de prendre un maximum d'air alors qu'au contraire, le yogi cherchera à mettre en place un souffle de plus en plus léger et subtil. Dans cet article, nous passerons en revue les principaux pranayama que l'on peut voir dans un cours de hatha yoga traditionnel. Je ne détaille pas les techniques, c'est intentionnel car je pense que l'on ne devrait pas pratiquer seul le pranayama...

1) Définition et finalités du pranayama

Le souffle, lien entre les différents “corps”

Dans le hatha yoga traditionnel, on considère que l'humain est composé de plusieurs "corps", de plusieurs plans. On peut citer le corps physique, le corps énergétique et le corps mental qui sont les trois niveaux les plus accessibles. Le lien entre les différents corps peut se faire grâce au souffle à travers les adharas, points de passage dont les emplacements sont souvent similaires à ceux des chakras. Le souffle illustre donc l'interdépendance entre ces différents niveaux.

La place centrale du pranayama dans le hatha yoga

Le hatha yoga a pour finalité l'union, et comme nous venons de le voir cette unité est assurée grâce au souffle. Les postures ne sont que des archétypes, des moyens de se relier à différentes qualités de l'énergie mais ce qui éveillera vraiment l'énergie, c'est le souffle. Pas de yoga sans pranayama, et en Inde on conçoit même très bien un yoga sans asana ! Le pranayama, c'est l'essence du yoga.

Le lien entre souffle et mental

On le constate facilement lorsque l'on est face à une situation stressante ou au contraire très joyeuse, notre souffle se modifie en fonction des éléments extérieurs. Garder un souffle régulier quoi qu'il arrive, c'est un moyen de refuser de se laisser ébranler par les circonstances extérieures, et c'est surtout un moyen de stabiliser le mental. Souffle et mental sont étroitement liés et une fois que l'on a compris ce lien, il est plus facile de maîtriser et son souffle, et ses pensées.

La respiration abdominale

C'est la base du yoga ! On peut commencer la séance de yoga ou de pranayama allongé en shavasana, et installer progressivement une respiration complète, abdominale : le souffle part du ventre, remonte dans le poitrine, les clavicules se soulèvent légèrement. On peut retenir l'air quelques secondes à poumons pleins avant de sentir le trajet en sens inverse : ce sont d'abord les clavicules qui s'abaissent, plus la poitrine se relâche et le ventre se rétracte légèrement.

2) Éveiller l’énergie grâce au pranayama

La pratique du yoga vise la libération, qui passe par l'éveil de l'énergie vitale, aussi appelée kundalini. Cet éveil se fera tôt ou tard puisqu'au moment de la mort, l'énergie emprunte un trajet le long de la sushumna (axe énergétique central) pour quitter le corps. Libérer cette énergie avant, de manière contrôlée, permet en quelque sorte de défier la mort, d'avoir accès à une connaissance inaccessible à la plupart des êtres humains. Voilà pour l'explication des textes traditionnels, mais en occident nous sommes plus pragmatiques : la pratique du pranayama nous permet effectivement de changer la qualité de l'énergie (canaliser l'énergie chez les personnes agitées, stabiliser l'activité du mental) et d'éveiller un peu plus de vitalité, de force. Rien de bien mystique là-dedans, chaque souffle a des effets physiologiques qui lui sont propres !

L'importance des bandhas : les bandhas sont des sceaux énergétiques, ils doivent être maintenus durant toutes les pratiques de pranayama afin de concentrer l'énergie à certains endroits et d'éviter les "fuites" d'énergie.

L’énergie des mantras, l’énergie du souffle

On peut utiliser les mantras comme des exercices de pranayama : on inspire et le mantra est récité sur l'expiration. Une pratique très puissante qui prend tout son sens lorsque l'on pratique le yoga en groupe.

Bhastrika pranayama, le soufflet de forge

Un souffle de feu qui permet réellement de sentir un regain d'énergie et de stabilité : on inspire en gonflant légèrement le ventre, on rétracte le ventre à l'expiration. Le souffle frotte dans la gorge. Le souffle énergisant par excellence, qui gagne à être pratiqué seul, dans certaines postures ou en préalable à un autre pranayama plus poussé. Le bhastrika est avant tout un trajet, ou un mouvement : on essaiera de synchroniser le souffle avec la visualisation (et éventuellement le mantra, les fixations oculaires appropriées, les bandhas, etc.).

Le bhastrika thoracique est moins connu : cette fois-ci le ventre reste immobile, seule la cage thoracique va s'ouvrir et se fermer sur l'inspiration et l'expiration. Un exercice qui permet de relâcher les tensions dans la poitrine, zone où la respiration est souvent bloquée et que l'on a tendance à contracter inutilement en cas d'émotions forte, de stress, d'angoisse…

  • Ujjayin, la respiration victorieuse

Le souffle est retenu dans la gorge grâce à une contraction de la glotte, la respiration d'ujjayin est plus ou moins sonore en fonction de l'intensité de la contraction. On peut varier le rythme avec ujjayin : samavritti (respiration carrée sur 4 temps) ou visamavritti (1 temps d'inspiration 4 de rétention, 2 d'expiration). Ujjayin permet de mieux maitriser son souffle ordinaire et apporte stabilité et assurance.

3) Les souffles alternés, un moyen de revenir au centre

Anuloma / pratiloma

Anuloma : inspiration par une narine, expiration au centre.

Pratiloma : inspiration au centre, expiration par une seule narine.

Nadi shodana

On bouche alternativement une narine puis l'autre : une expiration et une inspiration de chaque côté, on change de narine après chaque inspiration. Une pratique qui permet de se recentrer et qui demande une certaine concentration.

Surya / chandra bhedana

Pour ces deux souffles, on mettra la même intensité à l'inspiration et à l'expiration. La visualisation du souffle dans les nadis ida et pingala est primordiale.

Surya bhedana, souffle solaire : sur un rythme de bhastrika, on inspire et on expire par la narine droite uniquement (on peut aussi inspirer à droite et expirer à gauche). Une respiration énergisante qui peut être utilisée en cas de baisse de forme ou de motivation.

Chandra bhedana, souffle lunaire : sur un rythme de bhastrika, on inspire et on expire par la narine gauche uniquement (on peut aussi inspirer à gauche et expirer à droite). Chandra bhedana a des vertus calmantes, elle s'utilise lorsque l'on est anxieux, nerveux, agité.

4) Souffle et mental

Nous l'avons vu, ces deux éléments sont étroitement liés et agir sur le souffle revient à agir sur le mental : on constate facilement que l'on n'a aucune prise sur le mental, le pranayama est donc le moyen le plus aisé de canaliser les pensées.

Murcch’ha debout

Le souffle de l'évanouissement (du mental), favorise la concentration et la détente, permet d'atteindre un état de vigilance mais sans tension. Le léger étourdissement que ce souffle procure laisse un sentiment de bien-être.

On peut consulter à ce sujet un excellent article qui détaille comment pratiquer ce pranayama favorable au lâcher-prise.

Il faut impérativement respecter les 3 phases, ne pas commencer par la dernière… Et le plus important dans cette pratique est de grader le regard sur ajna, le centre d'énergie du front.

Kapalabhati

Le nettoyage du crâne. Il en existe plusieurs versions, on citera les plus courantes : kapalabhati en tant que krya (nettoyage), pranayama (au centre) ou kapalabhati alterné. Un souffle idéal lorsque l'on a le mental très agité, les pensées qui fusent, ou que l'on souhaite réfléchir calmement ou effectuer un travail intellectuellement exigeant. Kapalabhati est un excellent préalable à la méditation.

Shitali

La respiration rafraîchissante qui … rafraîchit le corps ! (et le mental) En yoga thérapeutique, on peut l'utiliser contre l'hypertension ou les problèmes de peau (inflammations). On inspire par la bouche, la langue en tuyau et on expire par le nez. Il s'agit d'un des rares souffles où l'expiration est plus courte que l'inspiration.

Brahmari

Le souffle de l'abeille, à mi-chemin entre un pranayama et un mantra. Pratiqué régulièrement il est réputé pour favoriser l'éveil de l'énergie vitale, mais tel qu'il est pratiqué en cours il permet surtout de calmer le flux des pensées et l'agitation. Les oreilles bouchées, les majeurs se rejoignent sur le sommet du crâne, on expire en faisant le bruit de l'abeille, concentré uniquement sur le son à l'intérieur de soi.

5) Pratiquer le pranayama chez soi

Rares sont les écoles qui proposent des cours de pranayama : généralement, le pranayama n'est qu'une partie de la séance et le souffle est utilisé comme une aide pour tenir la posture, comme moyen de fixer la pensée. Les textes traditionnels indiquent que pour expérimenter un souffle il faudrait le faire sur au moins un gathika (24 minutes) de manière continue. Un objectif qui peut sembler difficile à atteindre !

Pour commencer, pratiquer au moins 5 minutes et allonger progressivement en fonction de ses possibilités semble être une bonne idée. De préférence en assise, commencer par choisir un souffle qui est agréable et s'y exercer quelques minutes par jour. Nadi shodana pour plus de stabilité, bhastrika pour plus d'énergie, kapalabhati pour calmer le mental ou en préalable à la méditation…

Il est également possible et recommandé de pratiquer en-dehors des cours ! Placer un souffle et quelques éléments, le mantra qui circule mentalement, la visualisation… On peut associer un pranayama à chaque action, à chaque mouvement, et les actes les plus anodins de la vie quotidienne prennent une autre dimension lorsqu'on associe le geste qui devient presque une asana et le souffle. C'est le véritable karma yoga, le yoga dans l'action !

Pour ceux qui restent sur leur faim, voici un lien où vous pourrez retrouver les descriptions des principaux exercices de pranayama.