Yoga nidra, littéralement le yoga du sommeil, n’est pas un type de yoga à proprement parler. En réalité il fait partie intégrante de certains systèmes de yoga traditionnels. Nous avons pour habitude de tout découper, de considérer que nous avons d’un côté la pratique des postures, de l’autre celle du pranayama (exercices de respiration), puis la méditation, puis la philosophie du yoga, etc. Et dans tous ces petits morceaux éclatés il y aurait yoga nidra.

Voyons plutôt toutes ces techniques particulières comme un seul et même système ayant un unique but : développer l’énergie du yogi et le rendre plus conscient.

Cet article est assez long, il s'agit d'un guide permettant de comprendre ce qu'est yoga nidra, bien au-delà des techniques de relaxation et du yoga nidra simplifié, axé uniquement sur la détente, que l'on retrouve un peu partout.

Pour la pratique, mieux vaut tout de même suivre un enseignement, même si je vous donne quelques clés pour débuter.

yoga du rêve

A quoi sert yoga nidra ?

Je viens juste de vous donner la réponse : à être plus conscient. Vous allez peut-être me dire que pour vous, yoga nidra est avant tout une technique de relaxation, ou encore un yoga accessible à tous car il ne comporte pas de postures.

Détente ou conscience, faut-il choisir ?

Allier conscience et détente

L’attention sans la tension, voici la quête.

Dans yoga nidra on cherche à flirter avec le sommeil. Lorsque l’on s’endort, on est généralement inconscient.

Eh bien le yogi qui ne se contente pas de rester dans les limites qu’il pense connaître va chercher à être à la fois endormi ET conscient.

Comment, pourquoi, est-ce possible ?

Lorsque l’on a une pratique de yoga, on sait très bien que même si l’on s’exerce 2 heures par jour, c’est à la fois beaucoup (2 heures, quand même !) et très peu (8,33% d’une journée de 24 heures).

Ce qui nous laisse près de 92% de « non pratique ».

Alors bien sûr, le but n’est pas nécessairement de « faire du yoga » 24h/24, mais le yogi ne cherche pas à "faire du yoga" : il veut être plus conscient.

Donc, 92% d’inconscience, c’est trop pour le chercher spirituel qui va s’appliquer à maintenir ce fil de conscience, ce recul tout au long de la journée. Mais même s’il réussit cette prouesse, que dire des 8h de sommeil, donc d’inconscience ?

Investir ce temps de sommeil est intéressant. Vu de loin comme ça, cette recherche peut paraître étonnante. Et même de nos jours elle est mise sur le devant de la scène et médiatisée avec le rêve lucide. La finalité est bien différente mais à bien des égards les méthodes, du moins au départ, sont proches.

Pourquoi être plus conscient ?apprendre yoga nidra

Parce que dans l’inconscience, ce n’est pas le vrai « Soi » qui parle et qui agit mais ce sont des conditionnements, des « forces » non choisies qui dirigent notre vie à notre place.

Être plus conscient, c’est être plus vrai.

C’est être davantage soi mais à l’inverser d’une démarche qui renforcerait l’ego, ce qui est renforcé est une part de nous qui n’est pas cet ego.

C’est ce que nous sommes au-delà de tout ce qui constitue notre personnalité qui peut alors s’exprimer.

Le développement de la conscience, et cela n’a rien de magique ou de mystique, ce n’est finalement rien de plus qu’un retour vers soi après avoir ôté tous les ornements qui ne sont pas nécessaires, toutes les peaux (comme le pèlerin, celui qui ôte ses peaux inutiles), tous les artifices.

Plusieurs niveaux de conscience

Cette théorie portant sur les différents niveaux de conscience n’est pas propre au yoga nidra, elle est connue des yogi et ce qui semblait il y a quelques années un peu « new age » est désormais mesurable : il est possible de savoir quelle est la fréquence des ondes cérébrales et d’observer les changements chez un individu suivant l’activité à laquelle il s’adonne.

Chez les yogi, une distinction de niveau de conscience était faite. On peut certainement rapprocher cette classification des découvertes scientifiques actuelles. Je m’en tiens dans cette description aux connaissances yoguique.

On distingue 3 états de conscience et un 4ème qui est au-delà des 3 autres. C’est précisément celui-là que nous allons chercher à expérimenter avec yoga nidra. Je vous mets aussi les noms en sanskrit pour que vous puissiez briller lors de vos soirées mondaines entre yogi savants.

L’état de veille (jagrat)

C’est l’état dans lequel nous sommes durant a journée, la veille, la vigilance, qui génère une forme de tension.

On peut être très présent, très conscient en jagrat, mais cette conscience est limitée. On est « le nez dans l’action », si je puis dire, ce qui ne permet pas un grand recul.

L’état de rêve (svapna)

Là c’est assez simple à comprendre, tout le monde rêve, même ceux qui pensent ne pas rêver.

Il y a une part de conscience dans le rêve, mais le mental est « agencé » différemment que durant l’état de veille. C’est pour cela que nos rêves semblent sans queue ni tête ou très farfelus.

L’information dont nous disposons peut-être la même que durant la veille, mais le cerveau traite ces données différemment.

L’état de sommeil profond (sushupti)

Dans sushupti, nous ne sommes plus conscients. C’est le sommeil de plomb, celui de l’inconscience.

L’état quatrième (turya)

Un état hybride, qui allie une grande détente et une grande présence. C’est quelque chose que l’on peut expérimenter en-dehors de la pratique de yoga nidra bien sûr, mais yoga nidra et certaines pratiques de pranayama ou de méditation peuvent amener à goûter cette saveur. On peut être éveillé ou endormi et être dans l’état turya.

Quelques différences entre ces états

Dans la veille on peut être conscient, mais conscient de l’action que l’on fait.

Turya, c’est être en mesure de se positionner en recul, on observe non plus le contenu de la pensée mais le processus de la pensée.

Les frontières entre ces états paraissent très nettes présentées ainsi, mais on ne peut pas mettre le niveau de conscience dans des petites boîtes bien rangées.

Nous naviguons en permanence entre toutes ces boîtes, de la conscience à l’inconscience en passant par les délices de svapna et par les éclairs de présence de turya.

Peut-on améliorer son sommeil avec yoga nidra ?

Ce n’est pas l’objectif premier, mais jouer avec le sommeil aura forcément un impact sur celui-ci.

Tout comme le hatha yoga est souvent associé à la réduction du stress, le yoga nidra est associé à une amélioration de la qualité du sommeil même si au départ l'objectif n'est pas celui-ci. Disons que c'est un effet secondaire sympathique, mais pas le but ultime du chercheur.

Qu’est-ce qu’un bon sommeil ?

séance yoga nidraC’est un espace de repos réparateur, mais pas nécessairement profond.

Nous avons beaucoup de stress autour du « il faut dormir comme ça », X heures de sommeil par nuit, en continu, avant minuit, etc.

En réalité chacun sait ce qui lui permet d’être reposé.

Le bon sommeil pour soi, c’est aussi un objet de recherche personnelle dont beaucoup veulent faire l’économie en recherche d’une vérité, de règles, de mode d’emploi pour l’éveil.

À chacun son sommeil

C’est fou comme nous prenons du temps pour des choses futiles, sans jamais avoir pris quelques nuits pour savoir ce qui nous convient et aménager ses nuits pour qu’elles soient plus reposantes (ok, jeunes parents, je sais, pour vous ce n’est pas possible… pour le moment !).

Certains vont préférer dormir en une seule fois, d’autres, pour peu que leurs activités le permettent, dormiront 4 heures par nuit et feront une grosse sieste, d’autres enfin trouvent un sommeil léger et fractionné plus réparateur que des nuits au sommeil lourd…

Tout comme il n’y a pas d’alimentation idéale pour tous ou de mode de vie qui convienne à tout le monde, il n’y a pas de dogme à fixer au niveau du sommeil parfait.

Notez aussi que votre besoin en sommeil évolue au fil de la vie et des jours…

 

Je trouve étonnant que l’on s’oblige à dormir un nombre d’heures fixe quel que soit son état de fatigue, l’activité menée la journée, la saison, nos facteurs internes, etc.

À peine pouvons-nous esquisser quelques grandes lignes : dormir assez, créer un environnement agréable pour son sommeil, couper le babyphone (rhhoooo ça va je plaisante).

Yoga nidra et son action sur le sommeil

La pratique de yoga nidra régénère profondément. Après une séance on se sent réellement détendu, beaucoup plus en forme, comme après une bonne nuit de sommeil même si la séance n'a duré qu'une heure.

Une personne qui s'exerce à yoga nidra chaque jour aura besoin de moins dormir car ce temps de repos, d'immobilité complète, de plongée en soi compensera une petite partie du temps de sommeil.

C'est aussi une pratique qui détend profondément. Les journées seront donc plus tranquilles (peut-être pas extérieurement, mais elles seront vécues différemment) et donc avec moins de stress, et moins de fatigue...

Pratiquer yoga nidra pour s’endormir ?

Une séance de yoga nidra juste avant de dormir n’est pas forcément une bonne idée, cela peut reposer énormément, régénérer, et donc on ne s’endort pas facilement une fois sorti de yoga nidra.

D’autant plus que certaines thématiques abordées lors de séances réalisées dans une optique de connaissance de soi ne sont pas forcément propices au sommeil !

Nous pourrons en revanche nous exercer à maintenir un fil de conscience le plus longtemps possible lorsque l’on s’endort, et s’appliquer à retrouver rapidement cette conscience si nous nous réveillons la nuit.

Sur le blog, il y a un ancien article qui traite spécifiquement du sujet "yoga nidra et sommeil".

Pourquoi est-ce intéressant de mettre de la conscience dans le rêve ?guide yoga nidra

La pensée ne fonctionne plus de la même manière que durant la veille. Les limitations ne sont pas les mêmes qu’à l’état de veille.

Nous réalisons un genre de "tri du mental" : nous pourrons regarder ce qui est à nous et ce qui ne l’est pas, ce qui vient des influences extérieures. Nous allons laisser émerger des réponses qui ne sont pas celles du mental organisé avec l’esprit logique de la veille.

Exemple : j’ai un problème, une croyance m’empêche de le résoudre car je ne peux pas admettre telle ou telle chose, le mental me verrouille la solution. Mais je peux la trouver si les restrictions du mental ordinaire ne sont plus actives.

Yoga nidra, c’est aussi une pratique de jour !

Préparer sa nuit durant la journée

Comme je le soulignais en introduction, yoga nidra n’est pas séparé de tous les autres pans du yoga (asana, pranayama, dharana…).

Nous pourrions plutôt le voir comme un outil de plus mis à notre disposition pour travailler notre attention.

La nuit se prépare avant de se mettre au lit. Si nous passons nos journées dans l’inconscience la plus totale, comment espérer trouver cette conscience la nuit ?

Pour ceux qui souhaitent réellement intégrer yoga nidra à leurs nuits, il y aura donc de petites choses à faire la journée pour aider turya à émerger durant la nuit.

Yoga nidra ShivaMéditation et yoga nidra

On compare souvent la méditation et le yoga nidra.

Les méthodes ne sont pourtant pas identiques…

La « méditation » passe par une volonté de concentration, le plus souvent du moins, pour débuter.

La méditation en réalité ne se décide pas, mais ce que nous appelons communément "méditation" est un panel d’exercices de concentration pouvant éventuellement déboucher sur l’expérimentation d’un état méditatif.

Dans yoga nidra, le chemin est proche : on centre le mental quelques minutes en se centrant sur le corps, éventuellement sur un compte à rebours, sur une respiration, etc. Mais cette phase de préparation est un peu plus courte et elle se fait en position allongée (shavasana)… Il est donc préférable d’avoir déjà (un peu) travaillé sa concentration pour profiter pleinement des effets de yoga nidra.

La pratique de la concentration est un excellent complément !

Pratiquer yoga nidra

Concrètement, comment organise-t-on une séance de yoga nidra ?

Très honnêtement, si vous n’avais jamais pratiqué yoga nidra auparavant, je vous conseille fortement de suivre une séance guidée au moins une fois.

C’est tout bête mais cela permet de se familiariser avec la pratique, le déroulement, de poser ses questions ensuite, et tout cela permet ensuite de lâcher prise dans ses séances personnelles sans se demander sans cesse si « on fait tout bien comme il faut ».

Pour retrouver le déroulement d’une séance de yoga nidra, consultez ce petit article que j’ai écrit sur ce sujet.

Prévoyez au moins une heure, avec un temps pour vous mettre en condition (quelques étirements ou postures de yoga, un temps de respiration consciente ou de pranayama, créer une atmosphère dans laquelle vous vous sentez bien, en confiance).

La séance de yoga nidra suit toujours le même déroulé. 

 

On commence par s'installer en shavasana, posture de détente, de présence, qui nous conduit vers l'immobilité. Il est vraiment important de rester immobile durant toute la séance, donc veillez à être confortablement installé !

Ensuite, un fixe un point mental où l'on dépose son attention, comme si l'on investissait un point de l'espace interne.

Le sankalpa (souhait) est formulé. Puis on le laisse s'évanouir, comme s'il était oublié.

Nous faisons ce qui est appelé "rotation de la conscience" : visualiser sans bouger chaque partie du corps, et sentir que les tensions se relâchent, que le corps s'alourdit progressivement.

On commence un compte à rebours, souvent en partant de 108, pour aller vers 0, le décompte s'égraine en suivant les souffles.

108 souffles plus tard, le scénario commence, se déroule. Si vous n'en avez pas vous pouvez vous contenter d'observer les pensées qui émergent et qui repartent, comme si l'on rêvait les pensées.

Puis de nouveau, le sankalpa, une fois le scénario terminé.

Et le corps se réveille doucement... Ne négligez pas ce temps de "retour" qui peut prendre 10 ou 15 minutes.

Bonnes nuits conscientes !

Pour conclure, j’ai envie de rappeler que yoga nidra est une véritable invitation à se découvrir et non une simple relaxation comme on peut le voir dans la plupart des cours et formations courtes proposées.

Sous son apparente facilité se cachent de nombreux obstacles pour les yogi motivés.

Il faudra apprendre à se relaxer vraiment, à se concentrer, et à rester détendu tout en maintenant un état de présence intense.

Il faudra également avoir l’envie de s’explorer, quitte à remettre en question ce que l’on croyait être… Et ça, ce n’est pas toujours facile !

Enfin, il faut du temps, de longues heures passées entre veille et sommeil. Ce temps qui me semble être devenu la ressource la plus précieuse et la plus rare dont nous disposons, à quoi choisissons-nous consciemment de le passer ?